Retour au site

A tous ceux qui sont sur le chemin ! A celui qui arrive là où la montagne se dresse...

Voici mon journal de bord à lire de bas en haut : "J'ai appris ce 22 décembre 2004, jour du 15 anniversaire de mon fils, que je souffrais d'un cancer. A travers ce site, je raconte mon histoire, mes pensées, mes peurs, mes joies, mon épreuve, ma vie."  Lymphome de Hodgkin scl. nod. de stade IVB initial. Symptôme principal : démangeaisons sur tout le corps depuis 3 1/2ans

Pour m'écrire, clique sur la lettre  

En cette fin de  mois de mai 2006, je réalise que je viens de franchir une montagne, un col hors catégorie comme on dit dans le Tour de France. Celle qu'un maître de Reiki m'avait prédit, il y a trois ans avant que tout ne se déclenche : "Vous êtes au pied d'une fameuse montagne !". Aujourd'hui, j'éprouve une certaine fierté pour ce que j'ai fait.

Dehors, le temps est pluvieux, c'est vrai ! Cependant, me revoici enfin dans les bois pour faire des tours en VTT avec mon ami Jean-Paul. Je commence à profiter pleinement de ce temps de convalescence. La fatigue, toujours, mais des journées bien remplies aussi. J'entrevois ma rentrée scolaire prochaine avec joie. Le retour dans la vie professionnelle, dans la vie tout court m'apporte quelques perspectives d'un futur à déguster calmement, modérément. Je vis pour l'instant présent, sans trop me soucier de ce que m'apportera demain.

Le bonheur est sur le chemin !

Fin de mes écrits sur ce site.

 

Vendredi 5 mai

Rémission encore et encore, ce n'est qu'un début d'accord d'accord mais que je suis content. Le pet scanner de ce mardi 2 mai est négatif, le prochain aura lieu dans trois mois. Que la vie me semble belle avec le soleil et la nature en éveil. C'est un peu le plus beau jour de ma vie lorsque le médecin m'appelle et m'explique les bons résultats tant attendus.

J'ai des projets plein la tête.

Lundi 17 avril

Je reviens d'une semaine au Mont Ventoux. Je poursuis ma convalescence positivement. Les paramètres vont dans le bon sens. J'attends le pet scanner du 2 mai. Jamais deux sans trois (Rémission le 2 décembre et le 14 janvier). Cette semaine je passe chez le médecin conseil qui devrait prolonger ma situation pour les mois à venir. Je me réjouis d'être santé, avec des projets même si les anciennes peurs rôdent encore. Je suis mieux armé et plus confiant. Je n'écris plus beaucoup car une nouvelle histoire débute pour moi. Celle de l'après ! Des nouvelles encore mais en mai après le pet scan.

Samedi 18 mars

J'ai terminé le dernier livre de Coelho, "Zahir",qui reprend beaucoup de réflexions qui m'ont accompagné ces derniers mois. J'ai beaucoup aimé. Je vous le conseille vivement.

J'attends le printemps avec impatience. La présence du soleil embelli les journées. Je n'ai pas beaucoup d'inspiration. La convalescence est faite de petits creux puis de remontées. Un petit virus, le foie qui crie, quelques contrôles complémentaires, une semaine de montée de la température le soir et quelques antibiotiques,.... Un parcours en forme de vagues. C'est bien la période de convalescence avec toujours de la fatigue mais une reprise d'activités.

Le poids qui reste encore bien bas mais un appétit qui monte.  Cet après-midi, nous avons profité de la météo pour faire une balade avec Evelyne. Nous avons marché un peu plus que mercredi. Nous habitons vraiment une très belle région. Petit à petit la forme est en train de revenir.

Lundi 6mars "Lettre à Christophe

Voici la lettre que je viens de recevoir de Sylvie.

"Cher Christophe,
J'ai bien reçu ton mail et je suis heureuse de pouvoir parler à quelqu'un qui vit actuellement ce que j'ai vécu .
Pour répondre à ta question, à savoir si j'ai vécu des moments de doute, j'en ai vécu énormément, surtout dans l'attente des résultats, c'est le pire... je ne le comprends que trop bien.
D'ailleurs, après 8 ans, j'en ai toujours, malgré que l'on m'ait dit que tout allait bien après 2 ans d'arrêt des traitements et le retrait du port-à-cath, et qu'il fallait "vivre comme avant"... Pas toujours facile.
Quand j'ai appris le diagnostic, ma fille avait 24 mois, c'était en février 1998, j'ai crû que le monde s'effondrait... allais-je la voir grandir, allais-je aller la conduire en 1ère maternelle, en 1ère primaire, connaître ses premières histoires d'amour, bref la voir grandir.  Mon seul souhait à l'époque était de vivre pour connaître tout ça.  Aujourd'hui, elle a 10 ans.  Je la vois grandir et j'en suis heureuse mais pas un jour ne passe sans que je ne me rappelle mes peurs et mes craintes de ne pas être simplement là pour vivre ces expériences de maman à ses côtés.
Bien sûr, mon Hodgkin n'était qu'au stade II, mais cela ne veut rien dire : en effet, pour la petite histoire, je suis secrétaire médicale et à l'époque je travaillais (depuis 1991) en hématologie pédiatrique et adultes quand le verdict est tombé.  Suite aux examens, j'ai décidé d'être suivie dans l'hôpital où je travaillais et d'être soignée par le Chef de Service qui m'employait : de ce fait, tout n'était plus "inconnue" puisque je "connaissais" déjà les infirmières, les médecins et le système; cela "facilitait" un peu les choses.  Après 10 mois d'arrêt de travail, j'ai repris le service pendant 2 ans.  2 ans pendant lesquels, j'ai fait des "statistiques" et je me suis rendue compte qu'un stade I pouvait ne pas s'en sortir et qu'un stade IV guérissait !  A partir de cela, je me suis effectivement dit que le médecin qui me suivait avait raison : il faut vivre comme avant ! En tous cas essayer !  Et le pire c'est qu'on y arrive, la vie reprend très vite le dessus même si on n'oublie pas !
Depuis ces 2 ans de galère post-Hodgkin, je travaille dans un autre service de l'hôpital après une mutation réussie...
Comme quoi, il ne faut jamais perdre espoir même si parfois on en a plus qu'assez et que la vie ne fait pas que des cadeaux.  Mais nos enfants nous poussent à continuer et à persévérer, ne jamais baisser les bras, leur montre l'exemple...je suis certaine qu'ils seront plus forts que les autres rien que par le fait d'avoir vécu, avec nous, cette épreuve.  Ils seront riches d'émotion et de sensibilité, denrée rare de nos jours.  Ils seront conscients que rien n'est acquis et que tout peu arriver.  Quel bel héritage.  Qui peut prétendre recevoir tout ça sans avoir traversé autant d'épreuves ?
,
Je pense également beaucoup à ta femme et à ton fils, ta fille qui te soutiennent de tout leur amour.  C'est précieux même si pour eux ce n'est pas tous les jours facile (non plus) de supporter "notre fardeau" !  Mon mari a également eu beaucoup de mal à accepter la maladie mais finalement, malgré cela, il est resté à mes côtés.  C'est le principal.
Je te souhaite beaucoup de courage et pense bien à toi et à toute ta famille.  Je suis certaine que le printemps arrive et que bientôt ce ne sera plus qu'une "vieille histoire".
Je reste à l'écoute, n'hésites pas à me contacter.  Beaucoup de courage.  Le soleil arrive et la vie reprend le dessus.
Amitiés.
Sylvie"

Mercredi 1 mars

Que de neige aujourd'hui ! Il y a bien 15 cm dans le jardin. Le chasse-neige est passé cinq fois  hier ! Aujourd'hui, nous l'avons vu à plusieurs reprises. Ce matin, nous avons été faire notre plus grande balade, depuis longtemps, avec Evelyne. Les routes étaient rendues dangereuses  à cause du verglas et les chemins bien enneigés.

Le suivi médical continue mais s'espace depuis lundi. Je ne vais plus qu'une fois tous les quinze jours à la Citadelle. Ce qui veut dire que tout est positif par rapport à mon état. Cette semaine, les enfants et Evelyne sont en congé. C'est très important pour moi de ma replonger dans cette ambiance familiale. Mes trois semaines d'isolement furent une rude épreuve ainsi que les jours qui ont suivi. Actuellement, j'ai toujours 1/10ième de mon poids qui me manque. La fatigue reste importante mais moindre qu'il y a une semaine.  

J'ai reçu ces derniers jours plusieurs mails de personnes qui sont en traitement de chimiothérapie. C'est assez bouleversant de lire certains témoignages car ça me rappelle ce que j'ai vécu il y a peu. J'essaye d'encourager comme je peux. 

Mardi 21 février

Ce matin, il faisait tout blanc. J'ai conduit les enfants à l'école car Evelyne déteste rouler sur la neige. Pour moi, c'est tout un symbole. J'avais demandé à Evelyne de m'accompagner. Rien que ce petit bonheur : nous étions de nouveau quatre dans l'auto, le matin, sur la route du travail. Il y a comme une reprise du quotidien qui s'installe. Après autant d'efforts, voici le premier signe qui m'apparaît sur le chemin neuf qui est le mien.

Je constate que je suis en reconstruction. Jamais auparavant, je n'étais passé par une phase pareille. Le corps est grand demandeur de repos. L'esprit, lui, quémande des activités, des sorties,des balades,... pour se prouver que tout est comme avant ? Les émotions, elles, j'apprends à les gérer. Tant de comparaisons, souvent fausses, peuvent être mises en relation avec des événements passés. J'ai osé poser un premier geste fort : celui de réserver trois places le 25 août pour aller voir le championnat du monde d'équitation à Aachen avec Lola. Cette compétition aura lieu après deux pet scanner de contrôle. Le risque de rechute est le plus important la première année m'a dit l'hématologue (risque statistique). J'ai défié une situation déjà vécue et qui me laissait fébrile. En juillet dernier, mes soeurs m'avaient offert deux places pour aller voir Maxime Leforestier quelques mois plus tard. A cette époque, je pensais en avoir fini avec mon traitement  début août. Il n'en fut rien. Les places ont été cédées à un collègue d'Evelyne. J'ai passé cette soirée à l'hôpital sous chimio. C'est pour moi un grand défi. Cette fois-ci, je me dirai en regardant la compétition : que le temps a passé vite. On y est déjà. Qu'est-ce que j'ai pu trembler mais tout va bien ! Je suis santé.

Le corps, l'esprit, les émotions sont les trois jalons de ma reconstruction. Le médecin est content des résultats et de mes activités physiques. Par rapport à la semaine dernière, les taux sanguins chutent un peu, sauf les plaquettes qui remontent fort. C'est dû au fait que les aides (les "produits dopants") à la reconstitution des globules et autres, reçus lors de l'hospitalisation, ont terminé leur action aujourd'hui. Le corps prend cette fois seul les commandes.

Au fond de mon, j'ai la conviction, la certitude que je suis guéri. Rémission n'est qu'un mot du langage médical. Je n'accepte pas une autre idée pour moi et pour les miens.

Je me rends compte en jetant un coup d'oeil dans le passé du temps et des efforts qu'il a fallu pour arriver à la rémission complète.  Ce trou, ce creux, cette absence dans ma vie active  me renvoie l'image de ce que je n'ai jamais voulu accepter : être un malade d'un cancer. J'avais un lymphome, une maladie d'Hodgkin pas un cancer normal ! Ca allait aller ! et vite ! Mais, il est vrai que j'avais encore des choses à comprendre. Cependant, c'est cher payé ! Je cherche autour de moi, des connaissances de mon âge qui ont vécu des situations un peu semblables. Pas grand monde à vrai dire. Tant mieux. Pourtant, les hôpitaux sont remplis et toutes les chambres occupées. Je suis cependant en admiration devant la disponibilité et l'accueil de ce personnel soignant qui ont su trouver les soins adaptés, les mots, les encouragements,... pour que j'en arrive aujourd'hui à reprendre pied dans cette vie qui m'a tant donné. 

 

Mardi 14 février    "Le jour des amoureux"

Chaque jour, je vois de petits progrès arriver. Hier après-midi, la visite chez l'hématologue a été un peu chahutée au niveau de la prise de sang ( se reprendre à 3 fois, puis, après 1h15 2 tubes avaient coagulés. Il fallait tout recommencer) mais les résultats sont tous en progrès. C'est très bon signe. Le médecin m'a signalé qu'on ne pouvait pas être dans de meilleures conditions sauf "pas malade" : Etre en  rémission avant l'auto-greffe. Prochaine consultation dans une semaine et premier scanner de contrôle en mai. "Vous aurez la trouille durant 10 à 15 jours, mais c'est ainsi pour tout le monde !" Me voici prévenu !

Je pense actuellement beaucoup à de petites phrases lorsque je me repose. Je chasse ainsi mes idées noires.

"Ce qui est aujourd'hui est. C'est ainsi. Je ne dois pas perdre toutes mes forces pour essayer de changer le moment  actuel. Il me faut accepter la situation et surtout lâcher prise. Je peux choisir pour demain un autre chemin."     

"Je suis un être de santé, de lumière, de richesse, de joie et de bonheur"

"J'accueille les problèmes qui se présentent dans ma vie, j'essaye de les remercier car ils veulent m'apprendre quelque chose"

Quelques petites informations.  Pas de poils, de cheveux, de cils. Dans quelques semaines, je regretterai d'avoir à me raser chaque matin ! J'ai une meilleure mine que mardi dernier. Le goût n'est pas encore de retour mais je mange mieux. Je commence à retrouver mon cycle de sommeil petit à petit. Mon poids est au plus bas, dommage que je ne sois pas au départ d'un marathon car ce serait le signe d'un fameux entraînement sportif. La fatigue m'impose plusieurs siestes par jour. Je ne conduis toujours pas, heureusement qu'Evelyne est là. M'en sortir seul durant la journée actuellement serait d'ailleurs impossible. Avoir sa femme à ses côtés pour trois semaines est une source de joie, de bonheur et  d'amour dans mon quotidien. Je mange chaque jour un peu plus. J'adore voir apparaître le soleil. Hier midi, nous avons été gâtés. La phase de "blues" semble être dépassée mais la gestion des émotions durera trois mois environ. Chaque petit problème restant déstabilisant surtout si je le met en relation avec des expériences passées négatives. Cependant, j'ai plus de confiance dans l'avenir. Je commence à me reconstruire. Tout reste très lent tellement le corps à souffert. Je pense souvent à tous les inactifs qui comme moi ont une souffrance à gérer. Mon esprit va aussi dans l'avenir, celui des actifs. Comme j'aimerais retourner enseigner à l'école malgré que beaucoup de problèmes y restent à gérer. Dans ces lieux sociaux, on apprend la vie, on se construit. Je reste persuadé que ce dont les enfants ont le plus besoin restent de promouvoir la confiance en eux et l'amour qu'on peut leur donner et la créativité.

Samedi 11 février.

Je n'ai pu communiquer, internet ne fonctionnant pas à la Citadelle. Je suis rentré mardi plus tôt que prévu. Un jour avant les 3 semaines minimum. Je suis anéanti physiquement et moralement. Je pleure sans arrêt, c 'est le "blues" de l'isolement et des traitements que j'ai subi. Mon corps ne veut plus rien faire comme je le voudrais. Je dois essayer de m'occuper l'esprit mais je n'ai pas bcp de goût et la fatigue reste énorme. Rien que de monter l'escalier je suis très essoufflé. Ma bouche et mon système digestif sont .tout à fait perturbé. Ma bouche est sèche et boire  ne me goûte pas mais il faut bien. Nous essayons toutes les marques d'eau.. Je ne  mange presque rien.  Heureusement chaque jour, il y a de petits progrès. Evelyne a pu prendre des congés. Sans elle, je ne sais pas comment je pourrais faire tant mentalement que physiquement. Lundi je retourne pour une visite à la Citadelle. Les peurs sont énormes de me garder.  Il n'y a pas de raisons apparentes. Le moindre mal ou symptôme éveille toutes les émotions passées. Mon traitement est terminé, mais je n'arrive pas à en prendre conscience encore. J'ai rêvé cette nuit que tout mon quartier de jeunesse (mon corps) avait été détruit. Rien n'était plus débout. Des "inconnus" (drogues, médicaments,...) regardaient ce spectacle sans émotions; Puis j'ai commencé à retrouvé des connaissances (nouvelle moëlle) et des structures plus solides. Une armée (globules) faisaient des démonstrations. Je ne dors pas très bien après 4h du matin car je me repose bcp la journée. Tout me semble long et le soleil me manque. Il m'est impossible d'aller me promener quelques centaines de mètres. Ca va venir, un de mes nombreux défauts est l'impatience.

Mardi 17 janvier     "Avant de rentrer en isolement"

Hier, j'ai été au salon de l'auto avec Willy. Quel monde ! Le contraste avec la solitude qui sera la mienne durant un mois me semble terrifiant. Je suis revenu sans catalogue, sac, sachet,... Nous avons eu le coup de coeur pour un petit scooter Vespa, les mêmes que ceux que nous avions vu  à Rome lors de notre voyage en septembre. Willy me dit qu'il y a un club "de Vespas" très sympa qui organise des randonnées les week-end. C'est plus une philosophie, des rencontres que l'on recherche que l'achat d'un véhicule. Enfin, pour l'instant, j'ai tourné la page de la moto depuis que j'ai vendu la mienne. Je ne rêve plus de deux roues. Le soir sculpture. J'ai dit, à ma sculpture, avec un pincement au coeur : "Lorsque je te reprendrai, je serai heureux !". Ce sera dans plus d'un mois. Je constate que la phase d'insécurité dans laquelle je me suis trouvé ces derniers temps empêche la créativité. Je n'ai plus peint. Hier, je n'avais pas tellement d'idées car mon esprit est préoccupé par d'autres choses.

Ce matin, je me suis levé avec ma famille à 6h30 (Evelyne) pour profiter à fond des moments avec eux. Je me suis remis au lit, une très grande fatigue envahi mon corps. J'imagine que toutes les activités et les émotions de ces derniers jours y sont pour quelque chose.

Demain, j'irai avec Marie-Pierre à la Citadelle pour 4 semaines environ.  Le matin, divers examens comme prise de sang, électro, radio des poumons. Ensuite une douche avec produits désinfectants et la rentrée dans la chambre stérile.

Je ne sais si j'aurai internet mais les 5 premiers jours seront dévolus à des séances de chimio. On me donnera du valium. L'effet conjugué des deux me laissera à l'état de "loque". J'aurai le GSM mais je ne pourrai certainement pas vous répondre dans la première partie vu la fatigue. Il n'y a pas de visites prévues hormis deux membres de la famille par jour. La condition pour que je sorte : remontée des globules blancs, plus d'infection, et se nourrir car je serai nourri par baxters. Mon état d'esprit est celui d'un homme heureux car en rémission mais pas libéré car il lui faut passer par une dernière grosse épreuve. Lorsque je sortirai, le médecin m'a dit qu'il me faudrait du temps pour revenir à ma forme (un mois et demi puis 6 mois à un an pour retrouver une normalité).

Jeudi 12 janvier     Rémission, encore et encore!

-"Bonjour Monsieur Dechêne"

-"Bonjour Docteur"

-"Comment allez vous ?"

Pas de réponse

-"Vous allez bien ?"

-"Ben !"

-Ca se passe bien chez vous ?"

-"Oui mais l'attente des résultats me stresse depuis des semaines et ici, c'est terrible"

-"Et bien j'ai reçu tous vos résultats. Ils sont excellents,.......rémission, ....."

La tension accumulée chute, l'énorme pression retombe. Au fond de moi, j'avais une certaine confiance mais aussi de la fébrilité.  Depuis Noël, j'ai vécu quotidiennement avec mes peurs, nuit et jour. Jour après jour ! A chaque heure es craintes, des pensées. L'inactivité dans la journée était la plus terrible. Le spectre d'aller en chambre stérile durant un mois avec une mauvaise nouvelle me faisait chanceler. Raisonner, comprendre, réfléchir, comparer ne me servait à rien. Les démangeaisons qui augmentaient ou diminuaient au fil des jours alimentaient mes peurs. Toutes mes prières, les exercices de visualisation, ...., m'aidaient à supporter l'angoisse de l'attente. Souvent, je parlais de mes craintes mais je les alimentais aussi. Un cercle vicieux !

Ce sont les séances avec Marie-Claire qui me faisaient repartir. L'amour de ma femme a été plus qu'un soutien pour tous les nombreux instants de doute. Tout seul, je m'écroulais... Mes amis et leur action "Solidarité" ont remonté mon moral si haut que les doutes s'envolaient. Ma famille a écouté toutes mes craintes, mes angoisses. . Toutes les marques de soutien si nombreuses qu'il 'en arrivait chaque jour furent un trésor d'espérance.

Lundi, j'ai été prier à Banneux et j'ai cru que je recevrais les grâces demandées. J'aime, j'aime la vie.

Mon secret ? Je suis tout à fait conscient que la médecine est à la base de ma guérison. Ma maladie était trop loin dans son évolution que pour pouvoir encore influer positivement sur celle-ci. J'y rajoute cependant le bon fonctionnement de mon corps qui malgré les terribles sollicitations a toujours très bien réagi. Je joins également l'amour de mes proches, de mes amis et connaissances. Ensuite, tous les exercices, énergie, pensées positives,... qui ont redynamisé mon être. Enfin, la foi. Je pense que la Sainte Vierge m'a toujours soutenu dans mes demandes. J'ai trouvé sur mon chemin les réponses aux questions et demandes.

Vaincre la maladie, c'est se changer !

Je suis prêt pour rentrer mercredi. Essayer d'entamer les 4 semaines minimum de chambre stérile avec une certaine sérénité si c'est possible. D'ici là je vais profiter.

Dimanche 8 janvier

Hier soir, j'ai été avec Paul Y. assister au match de basket Pepinster-Charleroi. Une ambiance à nulle autre pareille tant dans les gradins que sur le terrain. Il faut dire que je n'avais plus fréquenté la salle du Paire depuis des années.

Les vacances de Noël se terminent pour ma famille avec qui j'ai passé des moments très heureux. Depuis quelques jours, le soleil est présent et fait du bien au moral. Nous allons nous promener, faire un peu de shopping à Spa, Liège ou en ville.

Cette semaine, je poursuis mes examens. Lundi et jeudi dentiste. Vendredi dernier, il m'a arraché une dent de sagesse sous laquelle se trouvait de l'infection. Mercredi 11/1, visite au CHU pour le Pet scanner et la stressante visite vendredi à 16H00 chez le spécialiste pour obtenir les résultats des différents examens. Le coeur et les poumons sont OK.

Ce lundi, je passe la voiture à l'auto-sécurité et lundi soir j'irai avec Willy à la sculpture.

L'échéance de la rentrée en chambre stérile pour trois à cinq semaines vers la mi-janvier reste dans mon esprit. Je reçois beaucoup d'encouragement et de soutien. Je remercie encore une fois tous ceux qui ont témoigné leur solidarité ces derniers temps.

Jeudi 22 décembre

Aujourd'hui, Jonas a seize ans. Je suis très heureux ! Je le conduis à Eupen afin qu'il passe son permis de conduire moto. Nous allons acheter un casque, ...

Il y a un an jour pour jour, j'attendais des résultats pour une analyse du foie sans grande inquiétude. Puis la catastrophe. Que ma vie a changé depuis cette date. J'en ai parcouru du chemin avec ma famille, mes amis, mes proches, mes collègues...

Vers la mi-janvier, je rentre pour un mois en chambre stérile, isolation totale. J'ai été visiter la chambre hier. Ce sera la dernière ligne droite, avant six mois de récupération. Une dernière toute grosse chimio et une auto-greffe pour remonter mes taux sanguins qui seront mis à zéro."On ratisse dans les coins" comme dirait le médecin ! Avant cela, une série d'examens à la Citadelle. La batterie complète de tous les tests possibles et inimaginables.

Joyeux Noël à tous et toutes

Mercredi 14 décembre

Je suis rentré hier soir à la maison après un séjour imprévu de six jours à la Citadelle.

Suite à ma dernière chimio(29/11), tous mes paramètres étaient descendus aussi bas que ce que nous propose la météo en cette saison, c'est à dire proche de zéro. Les jours qui ont suivi ma chimio m'ont vu rester plus longtemps que prévu dans un état de grande douleur, de mal être, nausées,....  Ensuite sont arrivées, mardi et mercredi, deux journées durant lesquelles j'ai pris place dans mon lit. Une fatigue terrible m'envahissait. Rien que de monter à l'étage j'étais hors d'haleine comme si je venais de faire le sprint de ma vie. Même sous la couette, j'avais froid !

C'est dans cet état, habillé d'une chemise qui colle au corps, un pull à col roulé, deux polars et un gros manteau d'hiver que je me suis rendu au contrôle sanguin jeudi matin. Cela faisait trois jours que j'étais sous Dafalgan 1 gramme et que ma température oscillait entre 36.6 et 38.3. Le verdict fut sans appel. Je n'avais plus que 70 globules blancs (au lieu de 4 à 10 000) et 5 d'hémoglobine au lieu de 14 à 18. Idem pour les autres paramètres;

Je fus envoyé directement en chambre isolement et transfusé : trois poches de sang. J'ai été malade comme un chien alors que rien ne justifiait ces nausées. Le souvenir de certains faits (comme piquer dans mon porte à cat et m'injecter des produits) suffit à éveiller chez moi une série de réactions physiques en chaîne comme la mise en route de nausées par le centre de vomissement.

Mon isolement a duré six jours. J'ai été transfusé de plaquettes et de poches de sang; Actuellement, mes taux ne sont pas tous revenus dans les normes mais ça va mieux. Lors des visites, durant mon hospitalisation, Evelyne devait mettre un masque sur son nez et sa bouche (ce qui la gênait assez fort au niveau de sa respiration) une blouse spéciale et des gants en caoutchouc. Ces trois objets étaient jetés après chaque passage dans la chambre. Dès qu'une infirmière entrait, puis sortait (pour un oubli parfois) elle devait utiliser une nouvelle panoplie.

Je rends particulièrement hommage à ces donneurs anonymes grâce à qui j'ai pu remonter la pente. Un exemple impressionnant. Mardi à midi, la prise de sang montre que mes plaquettes sont encore insuffisantes( 23 000  au lieu de 150 000). Appel au CHU. Il n'y en a plus de réserve. C'est ainsi qu'à midi, le service de transfusion du CHU fait appel à ses donneurs pour que quelqu'un se déplace, pour moi, au centre de transfusion et fasse don  (durée 4 heures) de plaquettes. Voilà comment j'ai pu, à 18h30, recevoir  le liquide tant attendu. Je n'avais jamais été transfusé avant cette hospitalisation !

Depuis hier mes cheveux tombent en masse lorsque je passe ma main sur mon cuir chevelu. Encore une preuve que la dernière chimio a frappé fort; Le médecin me l'avait dit mais tout heureux d'apprendre ma rémission, je n'y avais pas fait attention.

Lundi, prochaine chimio pour trois jours, beaucoup plus légère celle-là. De quoi passer les fêtes tranquille. Je l'espère !

 Je clôturerai mon traitement par un mois d'isolation en chambre stérile (régime isolation totale et haute surveillance) de la mi-janvier à la mi-février. Ce sera la fin de mes hospitalisations avant la longue route de revalidation qui me ramènera à l'école et à mon métier d'instituteur.  J'y pense souvent; Je sais déjà que j'aimerais repeindre ma classe. J'ai choisi les couleurs dans ma tête. Se projeter dans le futur devient de plus en plus important tout en goûtant au moment présent.

 

Jeudi 1 décembre

Je suis en rémission !

Huile sur toile 60x80,  novembre 2005 : Visualisations

Ma chimio a débuté de manière extraordinaire. L'oncologue m'a confirmé très calmement que j'étais bien en rémission; Au fond de moi-même je l'espérais grandement mais mes peurs me disaient méfiance. Avec ma maman, dans la chambre on croyait vivre comme dans un rêve. On n'osait rien dire, pendu à ses lèvres alors qu'il expliquait la suite du traitement. On se demandait parfois s'il ne fallait pas se pincer. Mon cerveau n'écoutait plus rien de ce que disait le médecin. J'ai dit des tas de fois "C'est pas vrai !" positivement, évidemment... Une fois le médecin sortit de la chambre, j'ai téléphoné à tous mes contacts pour annoncer la bonne nouvelle. D'abord Evelyne qu'il a fallu aller chercher à la piscine (oh là là, il faut que je me calme disait-elle sur mon répondeur) et puis mes enfants (merci jean-Mi), mon père, mes soeurs, la famille, les amis proches, collègues. J'ai usé toute ma carte Pay and Go ! Pour fêter ça, nous avons été manger un dagobert avec ma mère. Je l'ai vite vomi une fois la chimio lancée ! Pas bien grave, j'en ai vu d'autre. J'ai été très ému, je ne savais plus parler à certains moments. J'ai remercié particulièrement Marie, la Vierge qui m'a accompagnée durant ces deux derniers mois. J'ai reçu beaucoup de coïncidences. Je les avais demandées. Merci Merci merci !

La chimio s'est bien déroulée car un peu moins forte. J'ai aurai encore une avant-dernière le 19 décembre, trois jours, plus légère. Ensuite, vers le 15 janvier une hospitalisation d'un mois environ en chambre stérile pour une toute grosse et dernière chimio. Il est possible que je doive encore faire quelques rayons après cela.

La guérison n'intervient elle qu'après un processus de plusieurs années lorsqu'il n'y a pas de récidive. Je ne veux pas que ce soit mon cas. Je serai guéri ! J'en ai la certitude. (Un an = de bon pronostic, trois ans de très bonne statistiques et 5 ans est considéré comme guérison)

Dimanche 27 novembre

L'oncologue m'a téléphoné vendredi soir pour me donner les résultats du scanner. "Les masses régressent, ce qui est une bonne nouvelle mais pour vous les résultats du Pet scanner effectué vendredi sont beaucoup plus importants". Voici encore une bonne nouvelle pour moi après le prélèvement des cellules souches en une seule journée.

Je rentre en chimio de mardi à vendredi et j'aurai normalement les résultats du Pet scanner mardi en matinée. Au fond de moi même je suis beaucoup plus confiant qu'il y a deux mois. Je me gratte encore quelque peu mais fort peu par rapport à avant. Je suis retourné à l'école vendredi soir où j'ai assisté et arbitré  un match de volley entre collègues. Ensuite, j'ai participé à un repas festif. J'y ai été accueilli comme un prince dans une organisation parfaite. Mon travail personnel de projection dans l'avenir continue. Les visualisations du retour à l'école ont pris une autre dimension. Plus concrète encore !

Huile sur toile novembre 2005, 30x30

Vendredi 11 novembre

Retour hier de la Citadelle, je suis tout flagada. Ma tête, mon ventre, mes jambes jouent avec moi comme un ballon tout mou qui fait blups, bloups, ... Je retrouve un peu les sensations négatives des dernières chimios de fin juillet et fin août mais ça va !

J'ai terminé le premier cycle de deux chimios de 4 jours; J'ai l'impression que j'ai moins de  démangeaisons. C'est bon signe ! Le médecin me prescrit encore une chimio complémentaire pour mettre toute les chances de mon côté. La date est fixée  le mardi 29 novembre et ce pour 4 jours.

Entre-temps, j'aurai un scanner du thorax, le 22 novembre et surtout un Pet scanner le vendredi 26 novembre au CHU l'après-midi. Ce dernier déterminera la suite des événements. Soit, quelques chimios complémentaires (3 ou 4) après celle-ci et la grosse chimio en chambre stérile, soit directement la rentrée en chambre stérile pour une grosse chimio toujours après celle du 29 novembre.

J'ai beaucoup de soutien de ma famille, de mes amis, de sms, émail. Je n'arrive plus à gérer ce flot, merveilleux qui vient vers moi. la fatigue m'empêche même de recevoir des visites. Je pense à vous et vous remercie très fort pour votre présence de tous les instants qui réconforte dans les moments difficiles.

Je prie beaucoup la Vierge Marie. Notre dernière visite à Maastricht m'a fait découvrir une Sainte Vierge différente de celle de Banneux, Val Dieu ou Rome. Jean-Paul et Sabine, Paul V., Sylvianne, Michèle, Agathe, Alfred, Adèle et tous les autres  me rappellent la force de la prière.

Je me répète tous les jours que je suis santé, que je vais de mieux en mieux, que je guéris, que je suis lumière et que je suis ce que je suis. Le verbe est créateur. J'ai ainsi de nombreux petits textes à ma disposition ainsi que des petites cartes que je tire quotidiennement : "des pensées positives". Je me vois devant moi parfaitement guéri et de retour à l'école, dans ma classe, avec mes supers collègues et tous les enfants sympas qui constituent notre école.

Je crois de toutes mes forces à ce processus qui va m'emmener vers la voie de la guérison. Je dois être très patient, ce qui n'est pas mon fort mais je me soigne. Prendre chaque jour comme il vient avec ces petits bonheurs, ces signes positifs et les bonnes nouvelles qui apparaissent sur mon chemin. Il y en a quotidiennement.

Ben oui ! Mes cheveux si noirs tombent de nouveau sur l'oreiller. De nouveau bientôt une autre physionomie. N'en soyez pas surpris, c'est un passage obligé pour mieux colorer cette masse chevelue dans les temps à venir.

 

Mardi 1 novembre

Peinture acrylique sur toile, 60x80, octobre 2005

Je prends une bonne douche qui me remet les idées bien en place. J'aère la chambre à coucher, il fait si doux pour la saison. Je respire un grand bol d'air en passant la tête par la fenêtre. Dans l'armoire, je vais chercher mon t-shirt fétiche, celui de ma victoire personnelle au marathon de Venise fin octobre 2002. Un t-shirt de gagnant, je le mets très rarement uniquement pour les grandes occasions. Aujourd'hui, c'en est une ! Retour en arrière....

Dimanche soir, j'ai été hospitalisé pour une durée indéterminée avec pour objectif d'essayer de me prélever des cellules souches. Aucunes certitudes tant au niveau du résultat escompté que du nombre de jours durant lesquels je devrai rester à la Citadelle. L'importance de ces cellules est capitale pour la suite de mon traitement. Elles me permettront d'encaisser une toute grosse dernière chimio avant l'autogreffe de ces cellules souches qui m'empêcheront de mourir( la chimio anéantissant tout).

La semaine qui a précédé mon hospitalisation m'a vu rentré tous les deux jours afin de faire un bilan sanguin : globules blancs, rouges, plaquettes,...  Au fil des jours,  toutes ces données s'approchaient dangereusement de zéro. Mon état immunitaire devenait de plus en plus préoccupant. Par exemple "la fourchette" pour les globules blancs se situe entre 4 et 10. En quelques jours, je suis passé de 9.57 à 0.20. Idem pour mes plaquettes. Au lieu de 250 minimum, plus que 20. A la moindre poussé de fièvre, c'était le retour à la Citadelle. J'y ai échappé ! C'était là un premier signe positif. Nathalie ma voisine venait tous les matins me faire avec talent deux injections dont le but était la remontée de ces globules blancs. Petit à petit, quelques signes de remontée s'affichaient : 0.60 pour les blancs. Pas terrible mais espoir. Par contre des douleurs terribles dans les os. La moëlle osseuse travaille terriblement, je le sens dans mon corps. Impossible de se passer de Dafalgan 1g et encore, les douleurs restent présentes.

Dimanche soir donc, je suis rentré vers vingt heures, le moral un peu à plat. Cafard ! Une visite de Sylviane et Marc m'avait certes remis d'aplomb. Mais de nouveau des peurs, des questions. Et si... 

Une première prise de sang devait déterminer si j'avais besoin d'être transfusé. Mes plaquettes et globules rouges étaient-ils remontés? Pas idéal avant l'essai de demain. L'apparition des cellules souches est bien liée à la remontée conséquente de tous les paramètres sanguins. Une transfusion n'augurerait rien de bon. Après une heure, l'infirmière m'annonce qu'elle a une mauvaise nouvelle pour moi. Le moral plonge, je me décompose. "On a perdu vos échantillons, je dois recommencer" Ouf ! Mon moral remonte. Tout le week-end, j'ai fait du Reiki, des visualisations de couleurs, des lectures de petits textes donnés par des amis et connaissances, des prières. J'ai envoyé de l'amour dans mes cellules, envoyé du vert guérison, parlé à mes anges gardiens. J'ai répété que j'allais de mieux en mieux. Tout autour de moi, de très nombreuses personnes se sont jointes à moi sans que je ne le sache: De Jérusalem, à Loyola, Verviers, Charleroi, Dortmund,...  Des bougies, des pensées, des prières, des encouragements,.... Ce week-end, lors d'un stage de formation personnelle avec Sally et Marie-Claire, j'ai été au centre de leurs pensées.

L'infirmière m'avait promis de me faire apporter le résultat malgré le changement de l'équipe de nuit. Je devais juste attendre une demi-heure. 22h30 rien ! 23h00, 23h30 toujours rien. Mes pensées défilent. Ils ont certainement été chercher à la pharmacie la pochette de sang. Je vais être transfusé... Minuit,  je ne peux pas dormir ! Enfin peu avant une heure une infirmière arrive et me demande si tout va bien? Surpris, je lui répond que j'attends les résultats et que l'on a sans doute été chercher une pochette de sang.  "Non hein monsieur, les résultats sont bons. On le sait depuis 22h30 ! On ne vous l'a pas dit ?"

Je l'aurais embrassée. Enfin une bonne nouvelle depuis très longtemps. Je n'en ai pas trouvé le sommeil d'autant plus qu'un moustique venait chanter à mes oreilles.

6 heures, nouvelles prise de sang et piqure de globules blancs. L'objectif est de voir si je suis dans le cycle de fabrication des cellules souches. Impossible de savoir avec précision quand débute ce cycle. Il est probable que je doive rester plusieurs jours à attendre que le processus se déclenche.  Il est aussi probable que rien ne se passe. Même scénario que hier. Résultats prévu pour 7h45. A 9h, j'attendais, comme un zombie, tremblant, de savoir si je pouvais partir au CHU pour le prélèvement. 9h15, un infirmière me demande si je ne suis pas encore parti. Je ne connais pas les résultats, lui dis-je ! Elle va se renseigner. Le stress augmente, je suis blanc comme un linge. Rien n'est encore arrivé me dit-elle. 9h15, 9h30, l'infirmière en chef rentre et me tend un cécémel en boîte et me dit "Tu pars, dépêche-toi" Dans l'escalier qui me conduit vers l'ambulance, je pleure de joie sans savoir m'arrêter. Je téléphone à Evelyne pour lui annoncer cette bonne nouvelle.

Dans le tunnel sous Cointe (je crois) nous évitons une conducteur fantôme qui roule en sens inverse. La voiture débouche à la sortie d'un virage ! Le conducteur braque dans un élan incontrôlé. La collision frontale est évitée de justesse, derrière nous des coups de freins terribles. La chance est avec moi.

Au CHU, un service avec des personnes formidables : souriantes, prévenantes, pas avares en explications. Vous savez que j'ai toujours trop de questions, beaucoup trop. Heureux celui qui ne sait pas trop, il doit mieux vivre que moi qui analyse tout, compare, évalue, formule des hypothèses inutiles et vaines.

Je rencontre des donneurs de plaquettes ou plasma qui viennent bénévolement tous les quinze jours. Je les regarde comme des gens de l'ombre, au fond d'une cave reliés à des machines bizarres. Des gens extraordinaires. Mon cerveau est en admiration, je me sens tout petit, moi qui n'ai jamais fais le moindre don de sang. Je m'installe dans un fauteuil pour 4 heures avec un baxter dans chaque bras. Un pour la sortie et l'autre pour le retour du sang. Celui-ci passe dans une machine qui comprend une centrifugeuse. Les cellules souches sont expédiées dans une pochette, le reste du sang est renvoyé dans le corps. Durant ces 4 heures, on va traiter 15 litres de sang. En général, il faut de deux à cinq jours pour obtenir suffisamment de cellules souches afin de pouvoir faire une autogreffe. Réussir en un jour, c'est vraiment exceptionnel me dit-elle. Parfois, même après 5 jours la récolte reste insuffisante. Il arrive aussi qu'il n'y en ait presque pas. L'autogreffe et la grosse chimio sont indispensables à ma guérison. Vais-je avoir des cellules souches ? Assez ? Pour chasser ces idées, je lis le livre d'un gars qui fait le tour du monde en suivant la latitude zéro.  Passionnant ! On a des doutes communs.  Après la séance, je discute un peu avec des donneurs à propos de leur motivation de départ. Un homme me dit "Il y a tellement de choses qui vont mal que si je peux faire une chose de bien, je n'hésite pas une seconde. Je suis donneur depuis  des années."

Retour en ambulance, retrouvaille avec Evelyne, promenade par la montagne de Burenne jusqu'au coeur de la Cité ardente. Un petit verre à une terrasse, une bonne frite puis la remontée en bus vers 17h30. On nous cherchait partout. l'infirmière nous engueule car il est interdit de sortir de l'hôpital. On ne pensait pas mal faire. C'était un peu comme un moment volé.

L'attente commence, je suis couché sur le lit. Soudain on entend une infirmière crier dans le couloir "Monsieur Dechêne doit être transfusé, il lui faut des plaquettes" On se regarde avec Evelyne, puis la suite de l'information: "Ah non, ce n'est pas lui. Lui, il peut retourner" On ne comprend plus rien. La porte s'ouvre. "Voila, monsieur, vous pouvez retourner. Vous avec fourni le double de cellules souches. De qui faire une autogreffe et d'avoir une poche de réserve au cas où." Je n'y crois pas.... Allez vérifier. L'infirmière du CHU m'a dit que c'était exceptionnel d'arriver au quota. Je serai au double ?

J'ai pleuré tout le trajet du retour tellement j'étais surpris par cette nouvelle incroyable. Pour moi, un miracle, je ne peux pas interpréter ça autrement. Voici enfin de très bonnes nouvelles après des semaines incroyablement éprouvantes. Je retourne lundi 7 novembre pour la seconde chimio avec un moral extraordinaire et une foi qui soulève les montagnes. Je vais guérir, je le sais.

Je vais de mieux en mieux, je suis lumière, je suis ce que je suis. Le verbe est créateur. Merci à la vie, à l'amour, ... Je pars mettre une bougie à Banneux ce matin. Le bonheur est dans mon coeur. Tout n'est pas fini, il m'en faudra encore du courage et de la volonté mais enfin, la route s'éclaircit. Je vois le bout du tunnel, là-bas tout au bout !

Peinture sur toile 60x80 acrylique sur toile, septembre 2005

Jeudi 20 octobre

Merci à tous pour vos très nombreux messages.

Changement de programme par rapport à ce qui avait été communiqué vendredi par l'oncologue.

Il me prescrit d'abord 2 cures de chimio, différentes des 8 premières (2x8 ou 16 chimios) puisque des ganglions ont résisté à ce premier traitement. Il s'agit donc de rattrapage. Moi qui n'en ai jamais eu de ma vie, c'est une fameuse première. Je viens de terminer la première cure ce jeudi. Cela c'est relativement bien passé. Cette cure a duré 4 jours dont trois jours de chimio. je devrais me rendre lundi prochain, mercredi et vendredi à la Citadelle pour un contrôle sanguin.

J'aurai encore une autre cure le 7 novembre puis trois semaines d'attente.

Après ça je fais un Pet scanner. Si je suis en rémission, il me fait ensuite une toute grosse chimio qui va "tuer ma moêlle épinière pour clôturer le traitement. C'est pourquoi entre temps, je devrai me rendre plusieurs jours d'affilée à la citadelle pour essayer de prélever des cellules souches. Celles-ci permettront de pouvoir faire une auto-greffe juste après cette grosse chimio et donc regénérer ma moêlle.

Cette auto-greffe dure 4 à 5 semaines en chambre stérile, isolation totale. Cela mène au plus rapide et dans le meilleur des cas vers la mi- janvier

Si je ne suis pas en rémission après 2 cures, il me fera 3 ou 4 autres cures encore différentes afin de me mettre en rémission avant la grosse chimio et l'auto-greffe.

Pas de réponse concernant l'évolution du traitement avant les résultats du Pet scanner  vers la fin novembre.

L'oncologue m'a dit qu'il a espoir. Que la situation était grave mais pas désepérée. Qu'il y a 3 personnes sur 10 qui sont en rattrapage et que le facteur positif c'est que la maladie reste implantée seulement à ces quelques ganglions. La maladie (en date du 23 août) n'aurait pas repris ailleurs ce qui est déjà très bien.

Mon moral est touché mais je commence à remonter la pente. On passe par toutes les émotions et peurs. Je vais beaucoup de prières, de visualisations de couleurs,....

Dimanche 16 octobre 2005

Vendredi 14 octobre, j'ai reçu un coup de téléphone de l'oncologue de la Citadelle, le docteur De Prijck Un homme extraordinaire !

Trente secondes où tout pouvait basculer vers le rêve ou l'horreur. Trente seconde entre l'espoir et le doute. C'est raté..........

Le laboratoire venait de lui confirmer que les deux ganglions prélevés sous anesthésie étaient toujours porteur de la maladie de Hodgkin. Un reste qui n'est pas parti. Ce qui me ramène à reprendre un nouveau départ. La sanction est sans appel : 6 mois de chimiothérapie différente, plus lourde et demandant de plus longues hospitalisations. Je commence lundi pour la semaine. Ce lundi, il me donnera les explications complémentaires.

J'ai l'impression de vivre un cauchemar éveillé. Je ne comprends pas ce qui arrive, moi qui ai toujours tout réussi dans ma vie. Tous mes combats, mes défis, mes échéances, ... Jamais rien ne m'avait "résisté". Bordel !!!! C'est pas vrai....C'est pas vrai.... ! C'est pas vrai   !

Je n'ose même pas penser à ce qui m'attend, c'est effrayant.

Docteur, allez-vous me sauver ? "Oui, Monsieur Dechêne, je vais vous sauver, ce n'est pas le traitement de la dernière chance, il y a un protocole bien établi pour cette situation. Vous n'êtes pas aux soins palliatifs, je ne joue pas à l'apprenti sorcier."

Mais encore... ? "Bon ce n'est pas une bonne nouvelle, mais jusqu'à preuve du contraire, la maladie n'a pas repris ailleurs." Elle est reste cantonnée aux 4 ganglions sous le rétropectoral gauche. Paradoxalement, ces ganglions n'étaient pas présents au début à cet endroit. Ils ont donc résisté au traitement ADVB.

Tout me fait peur mais d'un côté je suis content d'être de nouveau dans l'action et plus dans l'attente. Voici quelques mots qui me viennent à l'esprit.

Force, volonté et courage pour faire face à l'épreuve.

Confiance dans le médecin et son traitement

Foi en moi, en ma bonne étoile, en ceux qui m'aiment et me soutiennent

Je sais que quelqu'un qui a un cancer et dont le traitement ne donne pas tous les apaisements file un mauvais coton. Moi, c'est pas pareil. Je suis sûr que je vais guérir.

Ce soir, mon moral tombe un peu. J'ai mal au ventre. je souffle doucement, par dépit. C'est normal. Je reprends depuis vendredi un cachet pour trouver le sommeil. Il en sera de même ce soir. Avant de dormir, je vais préparer mon sac. Nous avons passé un super week-end avec Evelyne et les enfants. On a été emprunter des BD à la bibliothèque, acheter quelques bonbons au marché. Les batteries sont rechargées depuis le 4 août, ma dernière séance de chimio. Je rentre dans le traitement en fermant les yeux. Bonne semaine à tous.

 

 

Août 2005, Bosberg dans le Limbourg

 

Du 22 décembre 2004 au 6 octobre 2005

Se rendre directement au texte :  Avant ma chimio     -     chimio1     -     chimio2     -     chimio3     -     chimio4     -     chimio 5     -     chimio6     -      chimio 7      -     chimio 8     -     chimio 9     -     chimio 10     -     chimio 11     -     chimio 12     chimio 13     -     chimio 14     -     chimio15     -     chimio 16     -    Après ma chimio     -      mercis     -

Après ma chimio   à partir du 15 août

Jeudi 6 octobre "stress"

C'est le retour du stress et des périodes faites de hauts et de très bas. J'ai pleuré toute la matinée mardi après le coup de fil de l'oncologue. Les résultats de la ponction effectuée sur les ganglions découverts lors du dernier Pet scan et de l'échographie est négative. C'est déjà ça de pris. L'oncologue m'a cependant bien signifié que ça ne voulait rien dire. Demain à 8 heures, j'ai un rdv avec le chirurgien qui va m'opérer. Le but sera d'enlever un ganglion pour analyse afin de ne laisser planer aucun doute. L'hospitalisation se fera mercredi prochain certainement en hôpital de jour.

Depuis qu'ils ont été me ponctionner vendredi dernier, mes démangeaisons ont redoublé. Le corps est maintenant touché. Chaque chatouille me replonge dans l'horreur de ce qui a précédé. Le stress y est peut-être pour quelque chose !

Soit le résultat est négatif et je remercie le Seigneur, soit il est positif et je suis de retour à la Citadelle pour un traitement de chimio plus lourd et nécessitant des hospitalisations. Résultats vendredi ou lundi de la mi-octobre.

Au fond de moi-même, j'essaye d'y croire de me raccrocher à ma bonne étoile mais c'est difficile. Je fais du Reiki, des visualisation, je prie, j'essaye d'être actif. Hier matin, par exemple, j'ai été courir 1h15, à 120-130 pulsations, avec mon cousin. Chose que je n'avais plus faite depuis 2003 !

Lorsque les miens sont à la maison, la vie est plus belle !

Dimanche 2 octobre "Le retour"

Une grande et bonne nouvelle ! La petite Lou est née ce dimanche matin. Elle sera la troisième enfant de ma soeur Béné et de son mari Pilou. Nous avons été partager leur joie ce midi après le match de Jonas. Lola, ma fille est la marraine ! Sam et Léo, les heureux petits frères ont passé tout l'après-midi à la maison. Un vrai bonheur dans ma vie !

Pour ma part, j'avais secrètement espéré que tout serait terminé avec la fin de la chimio et que le retour à la vie normale m'éloignait petit à petit de mon état de malade.

Ce n'est malheureusement pas, encore, le cas ! Lors de la mammographie de vendredi, le sénologue a bien trouvé la trace de 4 ganglions entre l'épaule et le sein gauche. Le plus grand mesure 12 mm de diamètre. Cette zone avait déjà été mentionnée comme "foyer peu clair à surveiller"  fin mai lors du second Pet scanner et confirmée le 23 août lors du troisième passage. Le paradoxe m'a dit l'oncologue, c'est qu'il n'y avait rien dans cette zone au départ et que d'autre part tous les nombreux autres ganglions ont soit disparu ou sont devenus des zones résiduelles (non-active). Le sénologue m'a fait trois ponctions à l'aide d'aiguille dont une en profondeur. La douleur physique n'est rien par rapport au choc psychologique ! Les larmes coulent toutes seules.

Willy m'a accompagné ce jour et m'a encouragé en dédramatisant et en m'encourageant. C'est un coup dur pour toute la famille qui vit et porte ce combat avec moi depuis le début. Mes enfants sont fantastiques comme mon épouse qui sont certains de la bonne tournure future des événements. Pour le moment, j'ai décliné toutes les invitations du week-end car je n'avais pas envie de devoir raconter une fois de plus ce nouveau coup du sort. J'attends les résultats des ponctions qui, s'ils sont négatifs, seront complétés par une biopsie.

Le médecin ne s'est pas épanché sur la suite des événements car il attend les résultats. jeudi peut-être ?  Un passage par des rayons me semble probable vu le retour des démangeaisons. Je suis de nouveau dans une phase d'attente et d'incertitudes, les pires... Pas besoin d'en dire plus ! J'accueille ce qui m'arrive avec le plus de courage possible.

Mercredi 28 septembre 2005 "Nouvelles"

Vendredi me semblait si loin ! Le 30 septembre... Depuis lundi midi, mon moral est meilleur. Merci Bernard ! Mardi, nous avons été nous promener dans les bois du lac d'Eupen avec Evelyne. C'était une superbe balade de 6km.

Je me gratte toujours et la douleur au sein est bien présente, même plus forte qu'auparavant. J'attends vendredi et son premier verdict avec plus de confiance qu'il n'y a quelques jours. Voici deux nuits que je rêve que mon mal s'en va. C'est un signe ! De plus pour m'encourager, je lis les petites phrases offertes par Marie-Claire, celles que j'avais emportées à Rome.

Aujourd'hui, j'ai été à Eghezée où j'ai rencontré quelques amis et connaissances. Je m'occupe l'esprit et essaye de faire confiance à ce que je ressens. Un beau programme déjà tant de fois énoncé et chaque fois à recommencer. Il est probablement plus difficile psychologiquement de vivre son après chimio que la période  où l'on est sous surveillance médicale où c'est surtout le corps qui trinque. La période actuelle est un combat où l'on se trouve bien souvent KO debout. Il faut donc trouver des ressources pour soi-même et pour ses proches. Le fait d'expliquer chaque fois à l'entourage que le combat n'est pas fini, que le doute est toujours bien réel et que les peurs sont terribles est assez difficile.  Demain soir, je commence des ateliers de peinture avec Willy.

Mardi 20 septembre 2005 "Pfff.....!"

Samedi soir, je suis rentré de Rome où je me suis rendu avec mon ami Willy. Notre séjour a été formidable. Je n'ai cependant pas trop envie d'en parler car il s'agit d'une démarche personnelle. Tout semble rouler et pourtant ! Depuis 15 jours, je suis très fragilisé par le retour de démangeaisons. J'en ai compté 42 durant une heure. Ces démangeaisons me reportent durant les 3 ans 1/2 qui ont précédé la découverte de la maladie. Une période durant laquelle j'ai cherché sans jamais trouver ce qui m'arrivait. Ici, ça recommence...  la repousse des poils ? Je n'en suis pas convaincu....

Les peurs, l'angoisse, les scénarios dramatiques qui s'élaborent ! Qu'est-ce que je n'ai pas encore compris...  Je m'occupe et j'essaye de faire confiance à ce que je ressens. Pas facile ! Chaque chatouille me renvoie comme un coup de poignard à mon histoire ! Que va-t-il se passer ?

Première étape, la mammographie du 30 septembre pour contrôler le problème découvert au sein gauche lors du dernier Pet scanner (23 août) puis attendre les résultats. J'ai bon espoir qu'il s'agisse bien de la gynécomastie présente dès le mois de mai. Ensuite, le prochain scanner de contrôle aura lieu le 10 novembre mais avec les démangeaisons et les peurs qu'elles engendrent, je ne tiendrai certainement pas jusque là. L'oncologue à qui j'ai fait part de mes peurs reste à l'écoute et me demande de l'avertir si ces démangeaisons s'amplifient. Il lui semble qu'il n'y a pas de raison majeure de s'inquiéter mais lui n'est pas passé par ce que j'ai vécu.

Aujourd'hui, j'ai lu un peu de pédagogie, j'ai coupé mes haies, dîner avec ma fille, fait du VTT. Impossible de ne pas s'occuper l'esprit sinon je plonge. Je n'ai plus envie de rien raconter actuellement. C'est comme ça !

Mercredi 7 septembre "Visite chez le spécialiste"

La douleur au sein gauche est peut-être une inflammation. Le docteur ne peut faire un diagnostic précis sur base des seules images des scanners et reste prudent. Il m'envoie donc en "urgence" chez un sénologue pour (re)faire une mammographie et si possible une ponction.  Dans l'ensemble, il est positif car je reviens de loin. Ma situation début janvier était préoccupante. Je me rends maintenant mieux compte de mon état initial.

Aujourd'hui, lorsque l'on montre les dernières images des scanners à un radiologue qui ne connaît pas mon cas, il fait la grimace. En effet des masses résiduelles sont bien visibles à divers endroits. Ce sont ces masses et les divers endroits où se trouvaient les ganglions que l'oncologue va "traquer". Le risque statistique de récidive est plus important la première année qui suit la fin de la chimio. Je rentre donc sous surveillance médicalisée. Le docteur va "traquer" le moindre signe de reprise éventuel par des examens complets. Il faut être le plus rapidement possible sur la balle au cas où...  Je retournerai au CHU et à la Citadelle tous les trois mois la première année, tous les 4 mois la seconde et tous les 6 mois la troisième. La difficulté réside évidemment au  niveau psychologique. Le stress, les peurs sont particulièrement accentuées à chaque attente de résultats. Je viens d'en avoir la preuve ces derniers jours.

La commission des mises à la pension m'a effectivement reconnu comme relevant de l'article 15, maladie longue durée. Il ne reste plus qu'au médecin responsable à Bruxelles à confirmer cette décision. C'est une excellente nouvelle. J'avais bien préparé mon dossier. Mais quel stress !

Vendredi 2 septembre "Epreuve"

Pour le docteur Hamer, sur base de milliers d'observations de cancéreux, le cancer est un processus organisé, contrôlé en permanence par le cerveau et ciblé de manière précise et non aléatoire sur un organe particulier. Le facteur déclencheur de 100 % des cancers est un conflit biologique brutal vécu dans l'isolement par le patient dans les semaines (3 mois environ) qui précèdent.

Le cerveau est l'organe du traitement de l'information. Quelle que soit la nature des informations transmises (réelles, virtuelles, imaginaires ou symboliques), le cerveau traitera ces infos de la même façon. Ce n'est que notre conscience qui nous permettra de distinguer ces quatre catégories.

Quelques exemples : Une voiture débouche devant moi ! Je roule trop vite que pour pouvoir m'arrêter. Je freine brusquement, je me crispe, l'accident est inévitable,... l'information est réelle. Cette information déclenche toutes les réactions physiologiques de la peur : accélération du rythme cardiaque, du taux d'adrénaline, sudation,...  Si je vis la même situation au Futuroscope de Poitiers sur grand écran de 360 degrés, l'information est virtuelle.. Pourtant le cerveau déclenchera exactement les mêmes réactions physiologiques. Si je ferme les yeux et que je me représente cette scène au moyen d'images mentales, l'information est imaginaire. Les réactions seront les mêmes que dans les cas précédents.

Pour le docteur Claude Sabbah, le patient et le thérapeute doivent avoir la certitude absolue qu'il est possible de guérir. Si le patient n'en n'est pas certain à 100 %, le cerveau ne mettra jamais en place les processus de guérison adapté. Ce qui a provoqué la maladie, ce n'est pas l'événement lui-même mais la manière dont nous l'avons vécu. C'est notre relation à l'événement qui conditionne le fait que nous surmonterons ou pas cette épreuve. Pour guérir, il faut faire son deuil par rapport à l'événement traumatisant. Lâcher prise, c'est accepter de ne plus tout contrôler, pardonner aux autres et à soi d'avoir accepter cette souffrance. (Livre de Jean-Jacques Crèvecoeur : le langage de la guérison)

Après mes huit mois de chimio, l'euphorie a été grande. On peut se l'imaginer. Tous ces longs mois de souffrance se terminent. Plus jamais ça ! Les jours passent et assez vite, les examens de contrôle vont arriver. La vie semble reprendre mais les repères des derniers mois ont disparu. L'insécurité psychique reprend rapidement le dessus. De nombreuses incertitudes ou interrogations me rendent chaque jour plus fébrile.
La première étant bien sûr le fait de ne plus être sous surveillance médicale tous les quinze jours. Je suis "lâché", mon traitement étant terminé. Le prochain rendez-vous avec le spécialiste a lieu un mois après la dernière chimio. En second lieu, l'incertitude des premiers résultats qui vont tomber comme une sentence de vie ou de mort. Ensuite, le sentiment que l'on ne peut pas encore se réinsérer dans la vie active et professionnelle. Il faut encore se reposer et vivre en dehors de la vie, du rythme de sa famille,... Enfin, le fait de devoir aller se présenter ce lundi 5 septembre devant une commission des mises à la pension anticipée. Celle-ci va statuer sur le fait que je puisse être considéré comme "maladie grave" ou pas (article 15). Malheureusement, cette commission ne prend pas uniquement en compte l'aspect médical. Elle enquête aussi sur l'aspect social, financier et familial,... Je ne connais pas les critères ! Etre reconnu par cette commission outre le fait qu'il s'agit d'une reconnaissance morale me permettrait de retrouver 100 % de mon salaire au lieu des 80 % actuels et de ne pas comptabiliser les 99 jours de maladie que j'ai épuisé durant cette épreuve. L'enjeu est important, non seulement pour moi mais aussi pour ma famille.

C'est dans cet état de grande fébrilité intérieure que j'ai reçu la demande de ma directrice de fractionner mon certificat médical qui court jusqu'au 23 décembre. Ainsi une de mes jeunes collègues pourrait au premier octobre capitaliser quelques heures supplémentaires. Face cette demande, j'ai eu le sentiments que des difficultés insurmontables se présentaient à moi. Devoir retourner à l'hôpital avec toutes les peurs liées à ce retour (les nausées), douter de plus en plus parce qu'un certificat plus court n'aura peut-être pas le même poids devant la commission des pensions, faire très vite (dans les 2 jours) alors que ma belle-soeur anglaise est à la maison et que je dois la reconduire en Allemagne à l'aéroport, me déplacer, payer la consultation,...

Finalement, Evelyne a été faire la visite à ma place tôt le matin. On estimait que cette démarche aussi difficile qu'elle pouvait être, serait un cadeau de plus que l'on pouvait faire à une jeune.

Ce n'est que le soir après avoir reconduit ma belle-soeur à Cologne qu'Evelyne m'a annoncé la terrible nouvelle. Le remplaçant de notre médecin traitant parti en vacances disposait déjà du rapport du Pet scanner. La conclusion était sans appel !  "Foyer hyper fixant au niveau axillaire profond gauche. Deux ganglions juxtacentimétriques sous le rétropectoral gauche détectés au Pet scanner de façon plus intense qu'en avril et correspondant à deux adénopathies." Le médecin traitant ne pouvait rien nous dire de plus, il fallait attendre le lendemain pour essayer de joindre le spécialiste. Le monde s'écroulait. j'allais devoir tout recommencer, le traitement n'avait pas marché, j'allais probablement mourir. Les heures qui ont suivi ont été atroces. La nuit fut un enfer car les pensées construisaient des plans macabres. J'ai pu compter une fois de plus sur Evelyne qui a fait preuve d'un courage exceptionnel, Willy qui a essayé de mettre des mots sur ce rapport médical, sur Marie-Claire qui a trouvé des mots et sur les encouragement de ma soeur Mary.

Le lendemain matin, à neuf heures le spécialiste était au bout de la ligne. Accueillant, à l'écoute,posé, calme, je me sentais reconnu et soutenu. Il promit de me téléphoner durant ses consultations. Dès 13h30, j'étais déjà assis à côté du téléphone. Le coup de fil n'arriva qu'à... 19h30. J'étais au bord du gouffre ! Voici les mots de cet homme extraordinaire qui a pu m'expliquer et me rassurer quelque peu.

Au scanner, il n'est pas évident de trouver la lésion. Au Pet scanner, il y a bien deux petits spots. Est-ce deux nodules ? Difficile à dire. Ca a l'air de ganglions mais il faut que je montre les clichés au radiologue. Tous les nombreux autres ganglions ont fondu et la grosse masse médiastinale (13,8 cm)  reste importante (30% environ) mais elle n'est pas active.

Le Pet scanner n'est pas une machine a détecter les cancers mais elles marque tous les endroits où les sucres vont se fixer dans les cellules actives. Par exemple : le coeur, un abcès dentaire, une crise de goutte,...

Vos deux foyers ne correspondent pas à un site initial, ni à une région initialement cancéreuse.  Cette région correspond bien à la douleur qui est vôtre depuis près de 4 mois au niveau du sein gauche. Cette douleur est toujours bien présente actuellement et l'examen (mammographie) effectué il y a quelques mois montrait une gynécomastie dûe à un dérèglement hormonal des suites de la chimiothérapie (pas très grave !).

Je vous verrai mardi et dans un mois nous ferons examen sénologique. Si rien ne se passe, on envisagera un opération chirurgicale pour effectuer un prélèvement. je suis positif mais votre cas doit être pris avec la plus grande attention étant donné vos antécédents récents.

Il est incroyable de voir comme la lecture de trois lignes ont conditionné mon cerveau et donc directement mon état physique et mental. Je viens de passer l'épreuve la plus difficile de ma vie. J'ai essayé de me montrer fort pour ma femme et mes enfants.  Mais j'étais abattu ! Le médecin a trouvé les mots et a su me convaincre par son analyse d'expert. J'ai de nouveau retrouvé la confiance en mon ressenti qui me dit que je vais guérir. Mais que c'est difficile à vivre quand on a l'espoir que l'épreuve est terminée alors qu'elle continue... Je vais partir quelques jours à Rome, vous comprendrez pourquoi !

Lundi 22 août "Singularité"

Poussant la porte d'un commerce de GSM, une demi heure avant la fermeture, j'ai été étonné de devoir y faire la file. Il faut dire que je ne vais pas très souvent faire du shopping au centre ville ! Cinq personnes me précédaient ! J'attendais mon tour, patiemment. Juste devant moi, une jeune adolescente accompagnée de sa maman venait y faire son achat. Elle devait certainement avoir économisé depuis un certain temps pour se payer enfin le GSM de ses rêves. Cet instant magique où l'on délie le cordon de la bourse pour s'approprier l'objet désiré. C'est sans doute ça le bonheur aujourd'hui ! Je ne vous dis pas quel fut mon étonnement lorsque j'entendis la question posée par l'adolescente au moment de payer le montant de  200 euros. Elle demandait tout simplement si une autre face existait pour son nouveau GSM. Le vendeur lui répondit simplement que non et lui suggéra de bien profiter de son nouvel objet. J'ai compris cette demande comme une manière de se singulariser. Une manière de marquer sa différence par le biez de son téléphone portable. Puis, ce fut enfin mon tour. En sortant, je constatai qu'il y avait toujours autant de monde. Cherchaient-ils tous à personnaliser leur GSM, à se différencier par celui-ci ? 

C'est du philosophe français Paul Ricoeur entendu dans l'émission NOMS DE DIEUX dont je me souvins en premier et principalement de son passage sur la singularité. Il évoquait d'abord Spinoza "Plus nous comprenons les choses singulières, plus nous comprenons Dieu". Paul Ricoeur voit trois espèces de singularité. D'abord les personnes, irremplaçables ! Puis les oeuvres d'art et enfin dans la nature, les paysages.

"Nos rôles sociaux pourront nous remplacer les uns les autres, mais nous ne pourrons jamais nous substituer les uns aux autres dans notre qualité absolument singulière." En repensant à la situation qui était la mienne début 2005, j'ai pu constater qu'il m'a moralement été très difficile d'accepter que du jour au lendemain, je disparaisse de mon rôle social, professionnel. Laisser sa place à un(e) autre alors qu'on ne l'a pas choisi ! C'est l'oeuvre de toute une vie professionnelle, patiemment construite qui semble disparaître d'un seul coup. On est vite remplacé... C'était la face de mon GSM. Je voyais ma singularité dans mon rôle social professionnel ! Il m'a fallu du temps et de l'humilité pour accepter. Accepter que l'on fait partie de ce cycle qu'est la vie. Que la vie dure un temps et que le temps est précieux, qu'il semble passer vite. En fait, je me suis rendu compte que tout ne disparaît pas. La phrase de Ricoeur est à ce propos éloquente. J'ai intégré que ma singularité d'Homme accompagne dorénavant tous ceux qui ont cheminé avec moi, même si je ne suis plus présent. "Nous ne pourrons jamais nous substituer les uns aux autres dans notre qualité absolument singulière."

Mercredi 17 août "Trouver un rythme"

Ces derniers jours, j'ai fait la fête et j'ai bu, en quelques jours, plus de champagne que je n'en avais jamais bu dans toute ma vie, c'est à dire... pas beaucoup. D'abord c'est avec ma soeur et Francis que j'ai fêté au champagne la fin de ma chimio ! Le lendemain  avec Willy et Colette : champagne. Le surlendemain avec Patrick, Georges, Anne-Christine et Brigitte : magnum de champagne. Le jour d'après, sangria apéritif à midi avec Marc, Françoise et leurs enfants. Le soir à Limbourg en écoutant Luc et son l'orchestre, j'ai dégusté mon premier, demi, verre de bière. Il y avait plus de 8 mois que je n'en avais plus bu car tout ce qui fermente était évidemment contre indiqué. J'ai replongé mes lèvres dans ce liquide magique tout doucement, par petites gorgées, en humant l'odeur et plongeant mon nez dans la mousse. On a ri et chanté.

Hier, mardi, c'était mon jour habituel de rentrée à l'hôpital. Huit mois que je vivais au rythme d'une chimio tous les quinze jours. Je suis resté à la maison, heureux de ne pas devoir y retourner. Aujourd'hui, le soleil est de retour, enfin ! Qu'est-ce qu'il m'a manqué... Cet après-midi, je  vais faire un tour en VTT avec Jean-Paul. Pour la première fois je vais laisser au garage les protège-genoux et les coudières. Je n'ai plus peur des chutes car il n'y a plus de chimios ! Ce soir barbecue pour fêter ça !

Ce sont des jours particulièrement heureux mis à part la météo détestable qui ne nous lâche pas. j'essaye de les vivre en profitant de chaque instant.
C'est également une période de doutes car je suis en attente de résultats médicaux. Je dois bientôt passer deux scanners et les résultats n'arriveront qu'en septembre. Doutes également car je voudrais déjà reprendre mes activités mais je dois respecter ce que mon corps me dicte. Doutes enfin car je pense aussi à la reprise de mon travail. La rentrée scolaire arrive bientôt mais pour moi, elle ne se fera pas encore avant 2006. 
C'est surtout une période de récupération car la fatigue est forte et j'encaisse le contre coup de tout ce qui vient de se passer.  Tout effort physique m'épuise rapidement. Je sens que mes poumons ont été touchés. Moralement, l'esprit travaille et le moral fluctue au rythme des heures. Il faut maintenant trouver un nouveau rythme, c'est ma nouvelle vie qui commence !

Chimio 16 le 2 août

Dimanche 7 août "Mon sapin de Noël"

Il y a quelques semaines, j'ai reçu un livre de F. Brant, artistuteur (artiste-instituteur). Il y dessine de superbes vaches auxquelles il ajoute de petites décorations dont des boules de Noël aux cornes par exemple. Dans ce livre, on trouve également de nombreuses phrases qui ouvrent à la réflexion. Il explique que suite à une grande difficulté vécue dans son existence, il s'est senti renaître après son épreuve. Un nouveau départ, une nouvelle naissance. Le symbole qu'il apprécie particulièrement ce sont les boules de Noël. Au Moyen Age, les chrétiens ornaient leurs maisons d'un sapin de Noël, peu avant la Nativité. Le sapin de Noël provient de la combinaison de deux symboles.  En premier lieu, il y avait L'ARBRE DU PARADIS, un sapin garni de pommes, en souvenir d'Adam et Ève au paradis terrestre. Il y avait aussi LA PYRAMIDE DE NOËL, sorte de poteau orné de verdure et de boules de verre colorées. Au sommet de ce mât était fixée une bougie, symbolisant l'astre d'Orient. Le sapin étant lui-même une belle pyramide vivante et naturelle, on se mit peu à peu à transférer toute décoration au sapin: boules et pommes.  En plus d'être le symbole de l'espérance, la verdure est symbole d'éternité. C'est la vie qui dure par-delà les saisons. Voilà pourquoi, en plein mois d'août, j'ai reçu le cadeau le plus inattendu qui soit. Voyez-vous mêmes. Merci à Marie-Claire et Perrine qui dès l'aube ont constitué ce présent chargé de symbolique.

Vendredi 5 août "Champagne"

Ouf ! Et encore ouf ! Bordel, que je reviens de loin.... Je respire de plus en plus, de mieux en mieux ! Un sentiment d'euphorie m'envahit. Je ne tiens pas en place. Il m'est d'ailleurs bien difficile de trouver le sommeil malgré les cachets (inducteurs de sommeil). J'ai un sentiment de liberté comme jamais auparavant je n'avais pu imaginer. C'est comme une naissance, un renouveau, des grandes vacances qui commencent, l'impression que je suis à l'aube d'un déménagement, d'un changement professionnel. Lorsque je regarde en arrière et que je recompte mes 16 chimios toutes espacées de 15 jours en 15 jours durant ces huit derniers mois, je ne peux pas croire que j'y sois arrivé. Incrédule que je suis ! Ce sont presque les larmes du champion qui en a fini avec son épreuve éreintante. Je n'en veux plus ! Terminées les chimios, c'était trop lourd surtout sur la fin.
J'y suis ! Quelle joie, que je suis content.... J'aimerais que le soleil viennent un peu illuminer nos journées, c'est trop gris comme ceci !

Mardi, j'avais pris le volant lors du retour de la Citadelle. A la sortie, dans le Hall, sans pouvoir dire un mot, j'avais serré très fort la main de ma femme. Plusieurs fois ! J'avais passé le cap de la dernière chimio. Impossible de dire quoi que ce soit sans sentir les nausées arriver à grands pas ! En rentrant de la Citadelle, au volant de la Golf j'avais envie de klaxonner, de crier mais je n'en avais plus la force. D'ailleurs mes enfants n'étaient pas à la maison. Je n'aurai donc rien partagé en faisant ce geste symbolique si ce n'est me faire plaisir à moi-même. Pas la force, je vous dit.
Hier, j'avais mis une bouteille de Champagne au frais. Je m'étais juré de la boire avec la première personne qui viendrait me rendre visite à la maison ce jeudi. Tellement excité, je me suis levé à 4 heures du matin. J'ai pris tous mes cachets, dix au total et deux poudres. J'ai attendu patiemment. Une attente souriante car jeudi était le premier jour de mieux être si l'on peut dire. Le jour où mon corps commence à me laisser un peu souffler. Je n'ai pas du attendre bien longtemps car, le hasard fait toujours bien les choses. A 9h30, c'est ma soeur Mary, son mari Francis et Victoria qui ont débarqué. Il n'y a pas d'heure pour siffler une flûte de champagne. Comme s'ils s'étaient donnés le mots, mes parents sont arrivés peu après avec une très joli bouquet de fleurs et ..... une autre bouteille de Champagne ! Celle-là, je la réserve pour Willy et Colette qui tous les jours à mes côtés ont cheminé avec moi en me donnant moral et vie. 

Mercredi 3 août "Ouf ! C'est presque fini"

7 heures du matin. Ma journée d'hier est passée. Ouf! J'ai plus ou moins bien vécu cette chimio. Comme on peut espérer bien la vivre car tout reste relatif. J'ai conduit un peu sonné pour le trajet du retour, au lit de 15h à 20h30 en se retournant et en entendant mes boyaux se tordre sans pouvoir dormir  puis j'ai dormi toute ma nuit grâce à un cachet, je suis soulagé. Ma dernière chimio est dernière moi ! Reste encore cette journée à encaisser. Je vais me gaver de Novoban et de Litican qui sont les médicaments anti-nauséeux. Ce matin, il y a du soleil, c'est pour me signaler que c'est un nouveau départ. Mes intestins et mon estomac crient déjà. Je suis loin, loin dans mon traitement et une certaine euphorie commence à remplir mon esprit. Merci à tous ceux qui au quotidien m'ont soutenu en pensées, par GSM, par mail, par des visites, des sorties,.... Vivement demain...

Chimio 15 du 19 juillet  au 2 août

Dimanche 31 juillet "La loi, c'est pas toujours ça !"

Je ne pensais pas que cette dernière chimio allait autant me tourner dans l'esprit. La dernière, c'est la plus dure, j'y pense tout le temps ! Ces derniers jours, mon moral a fluctué, particulièrement lorsque la météo passait au gris. Toujours des peurs, ainsi que des questions sur l'avenir et la suite du programme.
Je sais maintenant que le 23 août, je vais passer un scanner du thorax à la Citadelle. Le 25 août, ce sera  un scanner de l'abdomen toujours à la Citadelle puis un pet scanner au CHU. Les résultats me seront communiqués le 6 septembre. Il m'est assez difficile d'admettre que suite à des abus au niveau des prescriptions d'examens médicaux ces dernières années et donc aux difficultés de la Sécurité sociale, je doive me rendre deux fois d'affilée à la Citadelle pour passer deux scanners alors que l'opération peut se faire en une fois. La maladie d'Hodkin est une maladie des ganglions. Une maladie dont la chaîne de ganglions va de l'abdomen au thorax dans mon cas.

Il est difficile d'admettre que lors du scanner on doive arrêter le scanner à une des parties du corps puis de refaire l'autre deux jours après !  Je devrai donc ingurgiter deux fois ces produits toxiques, avoir deux fois des nausées, subir deux fois la pose d'un cathéter dans le bras, faire deux déplacements, à jeun en plus !

Evelyne a rencontré il y a quelques jours le gastro-enthérologue qui a dénoué en novembre mon problème. Il y a quelques années, a-t-il dit, la médecine ne serait pas passée à côté de mon cas. Aujourd'hui, les médecins n'osent plus prescrire autant d'examens médicaux qu'auparavant. Les contrôles sont permanents ! C'est ainsi que durant plus de trois ans la maladie a évolué petit à petit.

La famille est de nouveau au complet. Lola rentre de vacances. Demain, je la conduirai à Libramont avec son amie. Jonas partira faire l'intendance d'un camp louveteaux quant à moi je rentre mardi, une dernière fois j'espère pour une chimio. Vivement jeudi !

Peinture acrylique juillet 2005 Christophe "Liberté"

Lundi 25 juillet "Les signes"

Nous venons de recevoir la visite d'une connaissance qui vit une période difficile dans sa vie.

Quelle réalité pour demain ? Quel chemin prendre ?  Comment faire face ?
D'une manière générale, il arrive qu'une théorie qui est en place depuis des années soit remplacée par une autre vérité. Un exemple ! Il y a une vingtaine d'années, tous les pédiatres s'accordaient pour dire que les bébés devaient dormir sur le ventre. C'était une vérité émanant de spécialistes donc du monde scientifique ! Aujourd'hui, avec de telles pratiques, on risquerait de mettre la vie de son enfant en danger. Comment cela se fait-il ?

En fait, ce n'est pas le monde qui change mais notre conception de celui-ci. Ce qui est acceptable, admis comme une vérité  aujourd'hui, ne le sera peut-être plus demain. Cette réalité ou vérité avec laquelle nous avons vécu, parfois durant des années, un jour ne convient plus que ce soit dans le vécu du quotidien ou dans le monde conceptuel. L'Homme, à chaque instant, construit  sa vie, construit le monde.
Quelle réalité, quelle fiction alors ? En fait, la distinction entre réalité et monde fictionnel n'a aucune importance parce que c'est par ces mondes possibles que nous nous définissons comme race humaine nous dit Jérôme Bruner. C'est parmi tous ces mondes possibles  que nous trouverons notre nouvelle réalité car il existe mille avenirs. Moi, je pense qu'il faut être attentif aux signes. Ces coïncidences qui sont sous nos yeux et que trop souvent on ne voit pas. Apprendre à y être attentif permet de trouver des voies.

Hier, notre connaissance a raconté son récit, ce qu'elle est aujourd'hui. Elle a imaginé de nouveaux possibles la plongeant en plein doute... Nous avons  écouté avec émotion son histoire, son besoin de changement. Le philosophe ancien, Héraclite disait que pour sortir de son repli, de ses représentations, l'homme doit entreprendre un travail de la parole et de la communication. Lorsque je me raconte, que je partage, j'imagine déjà des futurs. Nous avons, sans doute, participé quelque peu à l'évolution de son cheminement. Lui restent encore des signes à découvrir pour avancer concrètement sur son chemin. (Une lecture : P. Coelho, L'Alchimiste)

Vendredi 22 juillet "C'était comment ta chimio ?"

Sept mois déjà ! 
Vendredi dernier, j'ai été comme souvent avant une nouvelle chimio, faire ma sortie VTT avec Jean-Paul.  Une vraie expédition ! Comme je sais que je ne peux pas me blesser au risque de perdre mes plaquettes (pas de frein !) et que je crains la chute, je roule avec beaucoup de prudence.  Habillé comme un skater avec des protections aux genoux, des gants, un casque, une vareuse à longue manche pour éviter le soleil et ses rayons dangereux pour moi, je fais passer le confort au second plan. Je mise sur un maximum de sécurité. Si vous me croisez, habillé dans cet accoutrement particulier, je vous donne la permission de rigoler ! Notre parcours emprunte de superbes sentiers forestiers dans les environs de La Gileppe. Ce sont tous des chemins roulants, au coeur de la forêt. Au départ du "Chêne du rendez-vous", normal pour un dénommé Dechêne, nous poursuivons jusqu'à la Vesdre au pied de Membach (240 mètres d'altitude). Une montée régulière fait perler sur mon front des gouttes de sueur. Je ris de me voir dans cet état. Pourtant, je monte sur un rythme régulier à 8-9 km/h, pas de quoi faire de la compétition mais je suis bel et bien à fond ! Je respire comme un petit vieux, mes poumons ont été atteints par la chimio, je m'en rends bien compte. On traverse la route Eupen-Belle-Croix avant une boucle en direction de la Soor et la remontée sur la même grand-route que l'on traverse à Hestreux (460 mètres). La descente vers le lac de la Gileppe fait mal aux mains tellement il faut freiner. Nous terminons par un demi tour de lac soit 25 km au total. Fourbu et heureux, il me faut cependant deux jours pour m'en remettre ! Je constate qu'en mars lors de mes premiers tours VTT, je roulais si prudemment que souvent je mettais pied à terre pour franchir de petits passages difficiles. Aujourd'hui, je me surprends à passer ces endroits à fond, riant dans ma petite barbe d'adolescent de cette audace nouvelle.

A partir de ce moment, je commence à penser à ma future chimio. Le film repasse sans arrêt dans ma tête. Je connais chaque moment. Il n'y en a pas de facile ! Il y a peu de place pour un élément créatif, les produits de chimio sont trop présents dans le corps, je ne peux plus que subir cette chose terrible. Même en pensant que j'en ai déjà fait 14, les deux qui me restent me semblent insurmontables. Evelyne prendrait bien à ma place si elle pouvait ! Mais, c'est mon épreuve !

Le mardi matin, je déjeune léger car je ne mangerai plus avant le lendemain. Une banane, des céréales sont au menu ! Une bonne douche, un petit rasage, et l'indispensable crème solaire sous le nez pour conjurer les odeurs de l'hôpital. En route vers Liège ! je conduis jusque là ! Sur le parking, je fais quelques exercices d'échauffement comme avant une compétition sportive, je m'encourage comme je peux par des petits mots "Allez, courage, tout bon mon gars,... !". Déjà apparaissent les premiers renvois", mon estomac crie. Dès que j'ai franchi la porte de l'hôpital, l'odeur caractéristique du milieu hospitalier me donne la nausée. Des hauts le coeur ! Vite l'ascenseur, direction le deuxième étage. Je me présente au comptoir salle 29 où l'on me reconnaît. Ca fait toujours plaisir. On m'attribue une chambre et je prends place. Je mets mes sandales, je sors mon gsm, mon walkman avec un disque de bossa-nova et le journal "Le Jour".
Très rapidement, on vient percer mon porte-cathéter pour me faire un prélèvement sanguin. Si la prise de sang est bonne, je pourrai recevoir ma chimio. Ensuite, je descends au premier pour effectuer une radio du thorax. Le ganglion diminue petit à petit mais il est toujours présent. De retour dans la chambre, je fais quelques exercices de méditation, des respirations, des visualisations, je fais bouger mes yeux en suivant le mouvement de mon doigt. Il est temps. Premier baxter, c'est un anti-nauséeux, il est environ 10 heures. Il n'y a pas de raison mais je me sens déjà mal. Couché dans le lit, les écouteurs sur les oreilles, le temps passe très doucement. A partir de cet instant, je ne parlerai plus jusqu'au jeudi matin. Toute parole fait monter en moi des nausées. Dès l'injection des produits de chimio, je vomis une fois, deux fois, trois fois. Je suis de plus en plus sonné, je ne sais plus bouger, comme shooté par des médicaments qui me plongent dans un état de léthargie. A 15 heures trente, on me dépique, je peux à peine ouvrir les yeux pour remercier l'infirmière, on me fait ma piqûre pour les globules blancs puis je peux partir. Evelyne me donne le bras jusqu'à la voiture. Je viens encore de vomir tout le thé que j'avais bu. La marche est lente.

Le trajet en voiture n'en finit pas. Chaque bosse, chaque trou, chaque défectuosité de la route me fait penser que je vais encore être malade. Il y en a un nombre invraisemblable. Je les connais toutes, ma nuque est raide,  je suis crispé durant ces 40 minutes. Chaque feu qui vire au rouge est un calvaire car la voiture ralentit puis accélère. L'estomac est de travers.

A la maison, je vais au lit comme je peux. C'est mon troisième calvaire. Aucune position ne permet de se trouver bien, le temps ne passe pas, un poids énorme envahit mon corps, je suis mal, très mal et j'attends de m'endormir pour la nuit. Vers 21 heures, je prends un cachet pour m'aider à trouver le repos. Je pense cependant que je n'y arriverai jamais car depuis 10 heures ce matin, je suis au lit. Le sommeil arrive enfin.

La journée du lendemain sera encore très difficile. Plus les heures vont passer plus je serai mal. Chaque mot me pèse, je communique par signes. Du fauteuil au lit, du lit au fauteuil ! Les vieux chantait le grand Jacques, c'est un peu comme moi durant cette journée. Mon estomac est toujours au plus mal, un peu mieux que hier et moins bien que demain.

Je n'arriverai jamais à encaisser ma dernière chimio. Pourtant, il faudra bien !

Chimio 14 du 5 juillet au 19 juillet

Vendredi 15 juillet "Fatigue"

La fatigue se marque de plus en plus. Repos le matin, Tour de France l'après-midi quelques fois agrémenté d'une sieste, petite activité en soirée puis recherche du sommeil pour la nuit, avec ou depuis trois jours sans inducteur de sommeil. Je n'ai pas encore récupéré de la dernière chimio et j'arrive bientôt à la suivante. J'ai vraiment l'impression d'être inactif car tout me fatigue. Il me faudra du temps pour revenir physiquement dans le parcours.

Samedi 9 juillet "C'est mon anniversaire"

Peinture sur toile, Christophe, juillet 2005

J'ai 41 ans, je suis content d'y être car ça me semblait si loin.
Pour une fois, nous ne sommes pas en vacances en Corse ou ailleurs, nous fêterons comme il convient en famille. Hier je me suis demandé  encore combien d'anniversaires à venir puis j'ai souri ! Est-ce que 41 est un beau nombre ? Bof, pas terrible ! 41 n'est multiple de rien, ne se divise pas. Mais à bien y réfléchir, c'est tout de même un nombre premier ! L'an Un de ma nouvelle vie.

Il y a environ 42 ans, j'ai passé presque 9 mois de vie intra-utérine. C'était avant ma naissance !  Aujourd'hui et durant cette chimio, je suis en train de vivre 8 mois de vie intra-âmerine. Bientôt, ce sera la délivrance puis ma renaissance. 

Vendredi 8 juillet "Les mots pour le dire"

Ce mercredi 6 juillet, j'étais étendu sur mon lit, souvent plié en deux sous les effets secondaires de cette chimio si lourde à porter.
Ce même 6 juillet, Paris pensait vraiment "avoir" les Jeux olympiques pour 2012 ! David Zabriskie, le coureur cycliste américain, pensait vraiment garder son maillot jaune à l'issue de son étape du contre la montre par équipes !  Une énergie souvent considérable est dépensée par des hommes pour tendre vers un objectif qui leur semble tout proche. Parfois, il arrive qu'au dernier moment, le monde s'écroule, l'improbable, l'imprévisible, l'inattendu arrive.
Londres coiffe Paris consternée, Zabriskie chute à 1300 mètres de la ligne d'arrivée et voit s'envoler son maillot. Christian, mon ami de formation meurt soudainement, emporté par une septicémie alors qu'il luttait contre le cancer.

Ce jeudi 7 juillet, j'étais en train de peindre une nouvelle toile dans les tons d'ocre. Des tons  chauds pour u'ils amènent dans notre intérieur la chaleur qui nous manque actuellement à l'extérieur.
Ce même 7 juillet, Londres pensait vraiment couler des heures heureuses, respirer joyeusement après sa désignation comme ville olympique pour 2012. Cependant, il arrive qu'à un moment donné, l'inacceptable se produise, l'inattendu vous coupe bras et jambes.
Londres compte ses morts et panse ses blessés après les attentats meurtriers dans le métro et le bus.

Comment les gens ont-ils expliqué ce coup du sort aux journalistes de la télévision qui leur tendaient des micros ? Quelle lecture de l'événement ont-ils faite ? Cette lecture varie avec les perceptions, les représentations, la sensibilité de chacun. C'est ici qu'interviennent les mots. Des mots posés, des mots forts, quelques mots, un flot de mots !
Quelle signification va-t-on donner à ce coup du sort ? Chacun peut en fait choisir la forme qui lui convient pour expliquer ce traumatisme. J'ai écouté chacun. J'ai fait attention à la manière de le dire, au contenu, à la forme, à la cohérence,... Les mots changent d'une personnes à l'autre. Il y a autant de récits différents que de personnes.
Chacun raconte, explique, partage, reformule dans des lieux d'affections pour que l'inacceptable devienne plus acceptable. "C'est la représentation du malheur qui affirme la maîtrise du traumatisme et le met à distance" Cyrulnik.

Chimio 13 du 21 juin au 5 juillet

Dimanche 3 juillet "Vacances"

Peinture sur toile, Christophe, juin 2005

Ma famille est enfin en vacances. Ma femme qui m'a porté a bout de bras depuis plus de 6 mois en plus de son boulot à temps plein, de son ménage, de ses enfants,... doit être bien fatiguée. Elle ne le dira jamais ! Mais rien que de la savoir enfin déchargée de son travail me permet de mieux vivre les trois dernières chimios  qui m'attendent. Elle se lève tôt mais dort bien. C'est bon signe ! De plus, la semaine dernière, elle a gagné un concours par tirage au sort. Nous nous rendrons donc à 10h30 à Welkenraedt pour recevoir son prix :un panier gourmand d'une valeur de 100 euros.

Ce matin, je me suis rasé. C'est un des petits gestes que je faisais quotidiennement avant et qui revêt aujourd'hui une importance toute symbolique. Mes cheveux repoussent petit à petit, mes jambes retrouvent leurs poils,... Je les regarde, ému, un peu comme on regarde la nature s'éveiller après l'hiver. C'est le signe que le printemps arrive. Je sais que les bourrasques et que le gel seront encore présents mais il y a des signes qui ne trompent pas !

Mercredi 29 juin "Tous ces objets"

Sculpture en bronze, Christophe, juin 2005 "Le sage"

Hier, je suis passé à l'école, invité à un petit barbecue par mes collègues. Le retour sur mon lieu de vie professionnel et presque quotidien a été intérieurement assez difficile à vivre. Lorsque j'ai quitté l'école par un terne après-midi de novembre, au bout du rouleau, en promettant d'aller voir mon médecin traitant, je pensais rentrer soit le lendemain ou tout au plus 15 jours plus tard.  On n'aime pas laisser ses élèves ! Alors, je continuais à mordre sur "ma chique" en espérant tenir jusqu'à Noël ! J'étais loin de m'imaginer l'épreuve qui m'attendait ! C'est ainsi que j'ai tout quitté en croyant revenir rapidement : mes stylos, mon plumier, mon bureau, mon tableau noir, ma mallette, mes préparations, mes livres, mes classeurs, mon journal de classe, mon local, tout ce petit monde familier que je m'étais créé au fil des ans. Tous ces objets, ces lieux, ce matériel,...  qui m'étaient indispensables sont restés sur place. Mon Pompéi à moi ! A vrai dire, ils ont reposé sept longs mois sans que j'en aie besoin. Quand je pense à tout ce que j'ai entassé dans cette classe ! Aujourd'hui, je deviens le découvreur de ces "vestiges" de mon passé et je suis troublé !
Le parallèle à faire avec ma vie m'explose alors en pleine figure. "On nous fait croire, que le bonheur c'est d'avoir, d'en avoir plein nos armoires, illusions de nous dérisoire !"  disait Souchon. Un jour, sans crier gare, on part, sans rien emporter. On ne connaît ni le jour, ni l'heure ! Personnellement, j'ai la chance de pouvoir continuer à oeuvrer sur cette terre, un second bail en fait !
Alors pour moi, ce retour à l'école, je l'ai vécu un peu comme si j'étais un "revenant". En passant devant "mon local", j'ai jeté un regard furtif, mon pas était rapide, mon coeur palpitait, juste de quoi laisser entrer quelques images. Dans ma tête, des chocs émotionnels. Quelqu'un m'avait remplacé, avec fruits d'ailleurs, le mobilier (bancs, armoire, bureau,...) n'avait pas bougé, les objets trônaient toujours à la place que je leur avais attribuée, les enfants étaient là souriants. A vrai dire, plus que des objets, des lieux, ce qui compte ce sont les visages, rencontres, les souvenirs, les émotions, les échanges, les projets, la passion, l'amour,...
Du coup, nous avons décidé d'aller porter à "Télé-service" tout ces objets inutiles qui encombrent nos armoires ou de faire l'une ou l'autre brocante. C'est beaucoup d'objets qui sortent de la maison pour laisser place à plus d'essentiel !

Samedi 25 juin "Une vie de château"

Ces derniers jours, la chaleur était accablante. Le thermomètre de l'Audi de Willy indiquait hier sur le coup de 19 heures, plus de 37 degrés. Se rendre à un spectacle de théâtre n'était pas vraiment la meilleure idée de la journée mais la date était convenue depuis plus d'un mois. Le spectacle avait lieu dans un château proche de Seraing. Cet endroit, cher à John Cockerill et aux frères Dardenne fait remonter en moi toute une série d'images surannées. C'est un quartier en bordure de Meuse juste en face du dernier haut fourneau de Wallonie. Vous savez, celui qui crache, toussote, fume mais vit toujours. De petites rues pavées font rebondir notre véhicule. La couleur terne des habitations tranchent avec le vert des arbres. A l'ombre des places, les enfants jouent tandis que les adultes, assis sur les bancs publics fuient la chaleur des habitations.   On roule en commentant la beauté ou le charme désuet de tel immeuble.  Mon regard se porte sur les habitations. Toutes les fenêtres sont ouvertes. Chacun recherche un peu d'air. Enfin, nous nous parquons dans une ancienne cour de récréation. Elle est pavée de gris et repose calmement à l'ombre de marronniers et des tilleuls. Les cris des bambins ont depuis longtemps quitté ce lieu enchanteur. Un peu de nostalgie se dégage de l'endroit. Les cours de récréation, moi, j'aime bien, surtout celle-ci car elle est vaste ! J'aime quand les enfants ont de la place pour courir, jouer et s'amuser de rien. Je replonge en images dans notre passé scolaire, dans mon enfance, dans "le Grand Meaulnes" d'Alain-Fournier. Dès que l'on descend de la voiture climatisée, l'air suffoquant s'engouffre dans nos narines. Le contraste est une fois de plus saisissant. Les martinets nous survolent et leurs cris stridents me font lever les yeux au ciel. Il est bleu et sans nuage. Pourtant, on attend tous l'orage. Celui qui fera redescendre la température. Celui qui nous permettra de sortir de notre torpeur.

Un grande demeure bourgeoise du 19ième nous accueille. Rapidement, nous décidons d'aller prendre un verre dans les caves. C'est le seul endroit susceptible d'avoir pu préserver un peu de fraîcheur. Tout sent la transpiration et ils n'ont pas de Gini ! Tant pis ! A peine servis que déjà l'on vient nous chercher. Le chien lui aussi se lève et se déplace paresseusement vers un autre coin plus frais et moins fréquenté. Nous suivons le guide à la découverte de cette maison mystérieuse... Les planchers craquent sous nos pas, le plâtre des murs tombe par endroits, l'électricité est apparente et les faux plafonds datent des années 70. De grandes fenêtres laissent rentrer un peu d'air et de lumière côté cour. Coté Meuse, elles sont occultées afin de permettre aux comédiens de jouer sous les spots. Dans ce château, on finit par se perdre. L'esprit fatigue, la chaleur moite nous étouffe, le corps se traîne de salle en salle. Chacune est différente tant par la taille que par l'aspect.  Des volées d'escaliers nous font passer d'un étage à l'autre ce qui nous permet de visiter cette maison de maître.

Durant deux heures, ce centre dynamique et souriant nous aura proposé en 4 lieux, 4 spectacles variables par leur qualité. De débutants, encore assez scolaires, à l'actrice plus confirmée qui vit passionnément son rôle ou la danseuse qui nous emmène dans ses tourbillons chatoyants chacun exprime qui il est, raconte un peu de son histoire à travers son personnage. La créativité permet à l'Homme d'être soi-même, un individu différent qui se laisse découvrir. Le langage du corps et toute sa symbolique me plaisent. Chacun exprime ce qu'il est et plus loin que le texte, plus loin que le jeu, l'on découvre des êtres, des sensibilités, des vies. Ma vie à moi, c'est encore trois chimios et puis l'espoir. L'espoir d'une seconde vie qui a déjà commencé. Malgré que je ne me sois pas exprimé hier dans le cadre d'un atelier de théâtre, je pense qu'on pouvait lire rien qu'en me voyant une partie du chemin qui me préoccupe. Peut-être y avait-il des découvreurs d'âme dans ce château ? Qui sait ? Au fait ! Ce chanteau serait hanté...

Chimio 12 du 7 juin au 21 juin

Lundi 20 juin "Cécile"

J'écris pour vous dire ma profonde tristesse suite au décès de Cécile, 26 ans. Hier après-midi, elle participait à son premier jogging de Verviers. Rien n'explique ce dramatique accident ! Seules des questions, la révolte, l'incompréhension. Personnellement, je ne la connaissais pas, mais sa maman m'en avait souvent parlé lors de nos rencontres. Une famille merveilleuse, généreuse, discrète ! Ayant été l'instituteur de Anne, sa soeur et de François, son frère, j'ai pu faire un bout de chemin à leurs côtés ! Il y a des rencontres qui marquent plus que d'autres. Pour moi, c'était bien le cas. Aujourd'hui, les enfants ont grandi. Le temps a passé, parfois même sans que l'on s'en rende compte. Tous ces petits moments de bonheur que l'on vit dans le quotidien auxquels on ne prête plus suffisamment attention parce qu'on court encore et encore. 
Chaque matin, en m'éveillant, il m'est permis de contempler un bel oiseau en bois sculpté qui m'avait été remis en cadeau par la famille de Cécile. Cet oiseau est suspendu à un fil transparent. Il plane ainsi toute la journée dans ma chambre à coucher. Chaque fois que mon regard se pose sur lui, mes pensées s'envolent. Des émotions font place au silence puis à l'intériorité, Je n'ai plus qu'à fermer les yeux.
En cette fin d'après-midi morose malgré le soleil, j'ai trouvé au funérarium une famille qui ne comprenait toujours pas ce qui lui arrivait. Je n'ai probablement pas trouvé les mots pour apaiser cette souffrance, cette douleur infinie, celle de perdre son enfant, perdre sa soeur !  D'ailleurs, il n'y a rien à dire ! Je me souviens cependant des paroles de mon ami Joseph, 80 ans passés, alerte père d'une famille nombreuse qui m'a dit un jour avoir perdu un jeune fils. Les voici : "Pas un seul jour de ma vie ne s'est passé sans que je ne pense à lui."   

 

Dimanche 19 juin "Jogging de Verviers"

Aujourd'hui, c'est le jour du Grand Jogging de Verviers. Le soleil lumineux pousse déjà dans notre maison ses chauds rayons. Et nous ne sommes encore qu'aux petites heures de la matinée. Comme toujours la chaleur, sous le coup de 15 heures, sera bien au rendez-vous. Il faut savoir que Verviers est un des joggings les plus animés de nos contrées, avec des spectateurs massés sur tout le parcours qui cherchent des yeux tous ceux qu'ils connaissent. C'est une grande fête populaire tant pour ceux qui courent que pour ceux qui regardent.
Pour peu que son cercle de connaissances soit un peu étoffé, le joggeur entendra crier son nom des dizaines de fois durant l'heure, l'heure trente ou sous l'heure s'il est sportif et fort bien entraîné. Les 13.6km du parcours débutent par une descente de folie jusqu'au coeur de la Cité : La Place Verte. Un vrai sprint massif. Il m'est arrivé une fois de n'avoir plus de jambes, passé cet endroit. J'avais pris un départ excessif ! Arrive ensuite une longue traversée des faubourg jusque Ensival où la montée devient terrible. Ceux qui ont épuisé leurs forces peuvent s'attendre à vivre un vrai calvaire. "Pied vache" est sur le parcours l'endroit où le corps souffre le plus. Tous les membres sont lourds, le rythme cardiaque s'envole, la fatigue envahit tout le corps. Le mental joue un rôle déterminant car il faut relancer la machine à un moment ou à un autre. Souvent, mieux vaut marcher pour reprendre son souffle ! La montée n'en finit pas jusqu'à l'entrée du parcours vita où des spectateurs très groupés sur un dernier raidillon,créent une ambiance propice à la recherche des dernières énergies. Un peu de descente puis on remet le couvert. Bonjour la montée de la rue de l'Usine ! Un vrai casse patte ! Et toujours autant de monde. Le reste du parcours se fait à travers de petits chemins bucoliques. Heusy, sa place, son tennis, son GR, le ravitaillement, la plaine de Rouheid. Arrive alors la dernière montée du jogging que l'on arborde comme on peut, sous les encouragements des spectateurs groupés. Un air de tour de France ! Enfin, une dernière descente vers Bielmont et l'arrivée sur la piste, sous les vivats des gens et les cris de Henri, le commentateur fou. Ouf !

Je l'ai vécu plusieurs années comme étant l'objectif majeur de ma saison de jogging. Dès janvier, je n'avais que cette course en tête. Mais chaque année, je suis passé au travers suite à la pression trop forte que je me mettais et à la fatigue due à cette fin d'année scolaire. Je n'ai jamais pu faire mieux que 57'12. Alors, j'ai changé mon fusil d'épaule ! Ces trois dernières années, je l'ai fait avec Yves et quelques amis en participant déguisés. Nous n'avions que du plaisir d'animer, de faire rire, de prendre son pied... le temps ne comptait plus. Nous arrivions à chaque fois avec de nouveaux records : 1h25, 1h30, 1h35 ! Mais sur le parcours, nous n'arrêtions pas de parler, de faire demi-tour, de changer d'itinéraire, d'aller s'asseoir dans les jardins avec les gens,... Nous avions gagné l'an dernier le prix de meilleur déguisement. Titre que je ne saurai défendre cette année. J'ai bien sûr le choeur qui tire un peu et je me suis même demandé ce matin si je ne serais pas capable de le faire doucement à mon rythme ! Vanité... J'ai vite dû me raisonner ! Mais Yves a trouvé 15 choristes et sera déguisé en "Gérard Jeuniot". Je suis certain qu'il pensera à moi dans la course. La vie continue encore et encore.

Jeudi 16 juin "Compostelle à vélo"

Hier mes parents sont rentrés de leur périple à Compostelle, soit 2370 km à vélo en en peu plus d'un mois. Avec mes deux soeurs nous avons été les accueillir à leur descente d'avion. Durant le trajet du retour, la discussion a tourné bien entendu sur les ressentis, les émotions, les petits faits et aventures. Toute cette expérience vécue qu'ils ont vécu au quotidien ! De retour à la maison, j'ai assisté, ému, à la course effrénée de Sam 4 ans pour se jeter dans les bras de sa mami. Tout le monde était bien heureux autour des deux pèlerins. Une bonne sangria, un petit pain, un morceau de gâteau, des jeux pour les enfants,... C'était vraiment la fête hier soir. Je suis particulièrement frappé de voir que leur expérience de route peut, en bien des points, se comparer avec la route qui est la mienne. La durée, l'effort, les difficultés quotidiennes, l'incertitude, les doutes, les joies, le but, ... "On verra", "Si Dieu le veut", "Allez, courage"  sont certainement des phrases que nous avons partagées en commun.

Pouvoir, tout au long du chemin, partager son vécu avec les autres pèlerins permet de se rendre compte que chacun vit les mêmes difficultés. Ainsi va aussi la vie ! Chacun a des épreuves, toutes différentes certes, mais si semblables à la fois dans la façon de les affronter, de les vivre, de les surmonter pour en sortir différent. Pouvoir partager avec l'autre est certainement une des richesses qu'il nous est donné de développer encore et toujours.

Dimanche 12 juin "Abbey Road à Dolhain"

La fête de la musique, c'est partout en Communauté Française, ce prochain week-end. Souvent convivial, parfois ensoleillé, en fait un endroit idéal pour découvrir des artistes, rencontrer des amis et se faire plaisir.

Dolhain, petite bourgade qui somnole le long de la Vesdre entre Verviers et Eupen, a eu la bonne idée d'avancer d'une semaine sa fête de la musique afin d'éviter la concurrence avec d'autres villes. On nous proposait en tête d'affiche le groupe Abbey Road qui interprète les Beatles. Paul, John, Georges et Ringo comme je ne les ai jamais vus !
J'ai découvert les Beatles un jour de février 78 au retour d'une marche scolaire pluvieuse et obligatoire. J'avais 14 ans. Tournant en rond à ne rien faire, j'ai fouillé dans les 33 tours de mon père. Au hasard, j'ai choisi le disque rouge 1962-1966.

Pourquoi ? Je ne sais pas. Mais toujours est-il qu'à partir de cette époque, j'ai collectionné toutes les chansons des Beatles soit en disque 33 tours soit en cassettes audios. Bien entendu, je n'ai jamais pu assister à un de leur concert, j'arrivais trop tard, les Beatles s'étant séparés au début des années 1970. Je dois cependant les avoir écouter tant et tant de fois que mon cerveau en a gardé une empreinte indélébile. Petit à petit, l'idée de pouvoir aller écouter Mac Cartney m'était apparue comme une évidence. Peu importe l'endroit où il se produirait en Europe ! L'important, c'était qu'il se décide à partir en tournée. J'ai pu concrétiser ce rêve un mois avant la naissance de Jonas, mon fils.
Nous étions  en novembre 1989, le mur de Berlin venait de tomber le neuf de ce mois. Avec Bernard et Francis, nous avions choisi Dortmund pour assister à ce concert exceptionnel. Depuis, le temps a passé. j'ai filé ma collection de CD à mon fils, un peu comme on sème en ne sachant pas ce que l'on va récolter. Il y a quelques temps, l'album bleu et l'album rouge ont fini pour tourner dans le lecteur. Un peu puis de plus en plus.  Jonas m'a même offert un DVD des Beatles en concert début des années 1960. 

Lorsque sur le journal, j'ai vu le nom de la tête d'affiche des fêtes de la musique, je savais ce que je programmerais à mon agenda virtuel pour ce samedi soir. Jonas a invité deux amis, fans eux aussi et nous sommes partis sur le coup de 21 heures. Une fois sur place, je me suis assis à la terrasse d'un café avec vue sur le podium car mes jambes ne me permettent pas de rester debout si longtemps. La fatigue reste une contrainte majeure de ma chimio. J'ai retrouvé, buvant un verre à la table voisine, Jojo et Jean-Paul (qui a joué avec Rapsat), mes profs de l'atelier guitare durant 4 années. A l'atelier ou lors de cabarets, nous jouions un Beatles presque à chaque coup. J'ai appris à jouer de la guitare après mes trente ans. C'était un beau rêve mais aussi un  cadeau que je me suis offert en investissant passionnément dans cet apprentissage. Je peux maintenant aussi, jouer les Beatles ! Jeudi, Céline, m'a rapporté  la farde de partitions qui se trouvait toujours dans ma classe  depuis novembre. Toute seule à dormir sur une étagère, la pauvre. J'ai donc ressorti ma guitare acoustique et tourné les pages l'une après l'autre. La maison tout entière a résonné de ces mélodies que j'aime tant.

A ma table est venu s'asseoir mon voisin, Philippe, avec qui j'ai passé la soirée. Au devant de la scène, mes trois gars. Ils n'ont rien perdu du jeu fantastique de ce groupe belge qui m'a permis hier soir de concrétiser un rêve. Entendre les Beatles en concert. Entendre Abbey Road jouer les Beatles! j'ai passé une soirée inoubliable et j'ai chanté sans arrêt.

Jeudi 9 juin 'Lundi, morne plaine"

Lundi, morne plaine... C'est avec mon ami Dominique que nous avons décidé d'aller rendre visite à un ami commun chez qui un cancer des intestins venait d'être diagnostiqué. Je dois bien l'avouer, j'ai pris une gifle en pleine figure lorsque je suis rentré dans la chambre de cet hôpital namurois. Et pourtant, j'en ai croisé des cancéreux à la Citadelle. Mais lui, c'est un collègue de formation ! Je le rencontre depuis deux ans tous les samedis et tous les mercredis. Toujours le coeur sur la main, toujours pour faire plaisir. Une petite cigarette au bec, un costume classique et une fidélité envers chacun. La dernière fois que je l'ai vu, c'était il y a un mois d'ici, je l'ai trouvé un peu tracassé, certes fatigué, mais en bonne forme. Depuis lors, les nouvelles qui m'arrivaient, étaient franchement mauvaises.
Lundi, morne plaine car je ne l'ai pas reconnu. J'ai d'abord cru serrer la main d'un autre avant d'entendre le son de sa voix. Je n'en reviens pas comme il a maigri. Il s'exprimait avec lenteur et ne bougeait presque pas ! Une gifle en pleine face !
Je suis resté Ko debout, puis Ko tout court ! J'ai essayé de ne pas enfouir cette émotions mais de la partager en famille. Mon fils a expliqué à mon épouse que, statistiquement, dans les cours de candidats inspecteurs, le taux de cancer est bien plus élevé que dans les autres milieux. C'est vrai que nous sommes mis sous pression, que rien ne semble venir du côté des examens, que les repères nous manquent. Mais c'est une formation qu'il faut prendre avec humilité et abnégation, la vie nous l'enseigne. Il n'y a pas un jour où je me dis qu'apprendre me pèse. Je reprends la dédicace d'une de mes formatrices "Pour Christophe : Sachons toujours conserver des choses le meilleur qu'elles nous offrent à explorer" Merci pour cette belle phrase !
Lundi, morne plaine... Je dois bien en convenir, notre visite lui a fait un bien fou, mais que c'était dur ! En sortant de la chambre, des larmes de gratitude ont coulé des yeux de son épouse, c'était encore plus dur ! Heureusement, qu'on a nos femmes à nos côtés : courageuses, fortes, souriantes et tout simplement présentes.

Bronze, d'Anne Franck (Amsterdam 9/2004)

De retour à la maison, j'ai rapidement pris la direction des cours de sculpture sur bronze où nos pièces restent malgré les promesses dans leur moule de plâtre. Des mois, à rester figées au lieu de trôner de tout leur bronze sous les projecteurs de nos salles à manger, de nos salons,... Rien ! Pas de coulée ! Le métal wallon ne se porte décidément pas bien ! Une fois, ce sont les produits qui sont en rupture de stock, une autre fois il faut faire face à des délais non tenus, enfin surviennent des problèmes techniques,.... En m'inscrivant naïvement à ces cours, je voulais développer ma créativité pour entrer en résilience. "La culture active et créative est un liant social qui donne espoir aux épreuves de la vie", nous dit Louise Poliquin. Par l'art, j'exprime mes émotions, mes passions, mes sentiments ! Me voici donc sans pièces, but ultime de cet atelier ! La seule que j'ai réalisée a été offerte à mes parents pour Noël... Enervement intérieur, questions inquisitrices envers l'animateur au lieu d'utiliser la communication non-violente. Retour à la maison avec des frustrations. J'ai eu beau respirer, regarder mon coeur, ....

Ce lundi pourri aura conditionné mon mardi de chimio ainsi que mon mercredi. Comme un petit gamin, je ne voulais plus aller à l'hôpital. Comme un petit gamin, je sentais que ça n'irait pas ! J'ai tout de même poussé la porte de la Citadelle et une fois dans la chambre, j'ai "dégueulé" avant même que les produits ne me soient injectés. Mercredi pour la première fois depuis janvier, je n'ai pu me lever et encaisser sereinement mes nausées. En conclusion, plus que 4 chimios c'est vrai, mais je ne veux plus les vivre de la sorte. Il me faut accueillir mes peurs ! Pavlov quand tu nous tiens !

Chimio 11 du 14 mai au 7 juin

Samedi 4 juin "Protocole du 24 mai 2005"

Diagnostic secondaire : Bilan pulmonaire :"fibrose" pulmonaire base gauche au scanner. Diminution de 10% de la TLCo/Va alors que Hb 10 au diagnostic et 12.6 actuellement. Sensation subjective de dyspnée plus marquée à l'effort... Stop bléomicine pour la poursuite du traitement (cure AVD)

Bilan scan et Pet post C4 : Pet négatif au niveau de la masse médiastinale qui a regressé de + de 60% au scan. Foyer peu clair rétromammelonaire G par ailleurs, à suivre

Commentaires : Evolution clinique correcte. Chimiothérapie poursuivie en ambulatoire.

 

Vendredi 3 juin "Tu fais quoi ?"

Une seconde semaine de chimio, ça se passe comment ? Quelques activités et beaucoup de repos. Lundi matin, j'ai été me promener dans les bois du Staneux sur les hauteurs de Polleur. Il s'agit d'un grand bois de feuillus dont le chemin principal longe la crête. j'ai vu un écureuil, un chevreuil et... 4 promeneurs. Un aller-retour s'impose sur ce type de parcours assez rectiligne. Mes jambes sont rapidement devenues lourdes, je n'ai pas prolongé inutilement. Vers 18h30, je suis parti avec Willy à mon cours de sculpture sur bronze. J'ai coulé une pièce que j'avais réalisée il y a trois semaines. Une petite dame dans une longue robe. Je pense qu'elle sera très jolie !  J'ai également sculpté un  cheval commencé une semaine auparavant. Il devrait encore recevoir à ses côtés la fille qui chuchoterait à son oreille. Cette sculpture sera pour Lola car le cheval, c'est sa passion. Actuellement, elle passe 3 jours par semaine à s'occuper de chevaux.
Mardi, vers onze heures, Guy est venu me saluer. Une vraie surprise. Guy est un ami de mes parents. Nous avons fait de la course à pied ensemble il y a quelques années. Le "Non" de la France à l'Europe a été le centre de notre conversation. A midi, mes neveux sont revenus avec Evelyne. Ambiance assurée !

J'ai proposé à Olivier dont, je suis le parrain, d'aller voir, après l'école, l'entraînement des Diables rouges à Spa. Personnellement, le côté magique que j'avais gardé de notre escapade bordelaise en 1998,  lors de la coupe du monde en France avait totalement disparu. Georges, Francis, Christophe et moi, avions été à Bordeaux pour Belgique-Mexique. Un merveilleux souvenir humain ! Olivier était très heureux de son passage à la Fraineuse. Il a obtenu sept signatures de joueurs alors qu'il pensait en avoir deux ! Auparavant, nous avions été avec Evelyne, faire une petite balade du côté de Theux. Les souvenirs de mon passage comme maître de formation professionnelle à l'Ecole Normale ont vite ressurgit. Mercredi matin, j'ai été me promener avec Michelle au lac de la Gileppe. Cet endroit est actuellement l'endroit que je  préfère : au calme, boisé, légèrement venteux car près de l'eau, ombragé et bucolique. Toutes ces rencontres avec d'autres personnes sont des instants magiques car nous échangeons sur les choses de la vie. Le soir, nous avons été chez Willy et Colette. Encore une occasion de refaire le monde autour d'un verre de vin. Un petit !
Jeudi vers 10 heures, je suis descendu à pied en ville. Après avoir fait quelques courses, j'ai retrouvé Bernard pour une petite bouffe sympa. Nous n'avons pas tellement parlé du bon vieux temps mais plutôt de nos vies. Ces deux heures sur le temps de midi ont filé, comme toujours dans ces cas là ! Le rendez-vous était fixé au "café du théâtre". Un endroit un peu hors du temps avec un accueil des plus chaleureux : "Mes chéris", nous lançait le dame de service !!!
Tous ces moments sont ponctués de périodes de repos, de lectures, de quelques brides de Roland Garros, d'informatique. Aujourd'hui, rien n'est prévu !  

Mercredi 25 mai "80 ans"

"Après dix séances, il faudra passer dans un autre groupe. Vous avez bien progressé ! Retirez votre bouée ! Dorénavant, vos deux brassards seront suffisants. Le grand bassin vous attend. N'ayez pas peur, il n'y aura pas de différence... !"
Bon puisque c'est le maître nageur en personne qui le dit ! Quand il faut y aller... Vous savez, personnellement, mes perceptions dans cette petite piscine étaient bonnes. La grosse bouée me convenait bien. Je buvais bien la tasse tous les premiers et troisièmes mardis du mois. Cependant, il paraît que c'est préférable, tous les tests le confirment.
C'est ainsi que l'oncologue me proposa, ce mardi matin, de me retirer un des quatre produits qui composent ma chimiothérapie. Avec trois, cela ira tout aussi bien ! Ce produit était responsable d'une grande partie des mes nausées, de mes poussées de fièvre et vraisemblablement de mon infiltration dans le poumon. Il était très toxique mais son rôle en première ligne en faisait un guerrier redoutable. Si redoutable qu'il ne distinguait parfois pas l'ami de l'ennemi. le coquin s'est infiltré dans  un des poumons et a déjà réduit ma capacité respiratoire de 10 à 15 %. Alors, mieux vaut apprendre à nager sans bouée. Perdre une partie de ses repères, c'est relancer l'aventure, suivre un autre chemin. J'ai déjà parcouru 11 kilomètres sur les 16 prévus. Il n'y a pas à dire, ça avance.

Dans ma chambre, un nouveau compagnon s'était installé alors que je passais d'un examen à l'autre. Il avait de grosses lunettes au milieu du visage, des cheveux gris encore bien présents, une toison blanche hirsute s'échappait de sa poitrine. Son rythme était lent, son regard vif, son oreille défaillante. Monsieur L. dans son beau pyjama bleu, défaisait sa valise et s'installait dans sa nouvelle chambre. On venait juste de le changer de service. C'est ainsi que je fis sa connaissance. Nous parlâmes, d'abord de contingences matérielles. Ensuite, son discours devint plus philosophique et chargé de bon sens. Il me parlait lentement avec de petites phrases et trouvait que le monde ne tournait pas rond. Il me parla d'Erasme, de Nietsche, de Spinoza puis encore de ses fils qu'il ne voyait plus, des choses simples de la vie, de ce qu'il aimait cuisiner comme des pommes de terre coupées en fines rondelles, mélangées à du persil et de petits oignons rouges menus hachés, le tout cuit à l'huile d'olive. Il avait toujours mangé sainement : beaucoup de fruits ainsi que des légumes de son jardin,... Monsieur L avait 80 ans et se disait diminué dans son attention, sa concentration. Pourtant, même s'il perdait parfois le fil de ses idées, il me donnait l'impression de raisonner comme peu de gens le feraient encore à son âge. C'était vraisemblablement un homme sage.  Un homme qui avait surmonté bien des épreuves dans sa vie. Vous savez,  celles qui forgent la caractère et dont on se passerait volontiers. Dans la journée, j'ai assisté à l'arrivée du médecin qui venait lui annoncer qu'enfin on avait découvert le mal dont il souffrait. Lui qui n'avait presque jamais été malade ou hospitalisé, il venait de tirer le gros lot. Il souffrait de la même maladie que moi, un Hodgkin à un stade très avancé. Comment un homme seul, de cet âge et de cette lucidité pourra-il supporter 8 mois de chimiothérapie ?  Je sentis tout le désarroi de cet homme. La peur aussi, la résignation, l'humanité. Il se mit au lit, se recouvrit le corps des ses draps comme pour s'enfouir. Il ne parlait plus. La chimio était une des deux alternatives. L'autre consistait à ne rien faire. Cependant, la maladie finirait par l'emporter. Je n'aurais pas su le conseiller et j'aurai même compris qu'il se résigne. La vie, même en bout de course, n'est pas toujours juste. Les heures passèrent, il se réfugia dans le sommeil et respirait difficilement. J'aurai  voulu qu'il s'en aille paisiblement sans avoir à affronter cette dernière épreuve.

Pour moi, l'heure du retour sonnait. Nous nous sommes longuement serrés la main sans rien dire. Ses yeux se sont mis à couler légèrement. Je lui ai simplement dit que je penserai beaucoup à lui . J'ai retiré ma main de son emprise et je suis parti.

Chimio 10 du 10 mai au 24 mai

Lundi 23 mai "Rentrée à l' hôpital"

C'était prévu ! Je rentre ce lundi pour des examens et mardi pour la chimio. C'est donc mon retour en hospitalisation. Fini pour cette fois-ci l'hôpital de jour. Heureusement qu'Evelyne se  souvenait que je devais être à jeun.  En téléphonant ce matin en salle 26 pour vérifier l'information, j'ai appris que je devais passer un scanner du thorax. Merde ! Avec le produit de contraste qu'on m'injecte,  je suis mal pour le reste de la journée.

Mon sac est rempli de trois livres dont un roman, un lecteur cd audio avec le disque bleu des Beatles et un autre de Maxime Leforestier. On y trouve également 3 boîtes de Schweppes. C'est la seule boisson que je supporte pour le moment. J'ai aussi pris la liste des médicaments que je devais recommander, il y en a 7 en tout. Mon rasoir est resté à la maison. Il faut dire que c'est un des seuls avantages de la chimio. Terminé le rasage quotidien, je peux rester une bonne semaine sans me raser. Ce matin, je me rends à la Citadelle avec Mary, qui fait le crochet pour me déposer avant de se rendre à son travail. A l'entrée, j'irai me chercher un quotidien ou un magazine. Ensuite, je prendrai l'ascenseur jusqu'au second étage. Je prendrai possession de ma chambre double. Au programme de la journée : prise de sang, scanner, test respiratoire, radios des poumons, ...

Mardi 17 mai "Du bout du monde, du fond de mon âge"

Internet ! Pourquoi ne pas utiliser cet extraordinaire moyen de communication pour informer mes proches. C'était mon idée lorsque j'ai appris de quel mal je souffrais. Une bonne idée, non ?  J'avais vite compris que partager ses doutes, ses espoirs, expliquer au téléphone en répétant les mêmes informations, demandait beaucoup d'énergie. Sur cette page, j'y ai laissé de mes nouvelles, puis petit à petit, toutes mes impressions, mes émotions, mes hauts et mes bas, ma vie. Internet a fait rentré le monde dans ma vie. Internet a fait remonter le temps à la surface.   

Nathalie, il y a quelques mois, m'avait demandé  pour reprendre une partie de mes textes afin de les traduire, de les travailler avec ses étudiants de l'Université de Grenade. Cela me semblait déjà extraordinaire de voir la destinée de ces écrits. Vendredi dernier, quelle ne fut pas ma surprise d'apprendre que le Vif l'Express invitait ses lecteurs à se plonger dans ma page chimio. Ce qui est sur le net, même si l'on désire lui donner un caractère personnel, devient vite public. J'accueille ce qui arrive comme un cadeau. Suite à cet article, j'ai reçu des messages de divers points de la région francophone du pays. C'est assez incroyable de lire ces messages d'encouragement ou relatant un parcours similaire au mien. Internet permet une communication au-delà des horizons connus...  Ce matin, via la poste, cette fois, Bernard avait ouvert le bal !  Il m'a envoyé une carte postale de Chicago, lui qui est à Kansas City pour un an.  Ensuite cet après-midi, voici que je reçois un mail d'Etienne qui était louveteau alors que j'animais la meute du Petit-Peuple dans les années 80. Etienne m'écrit de Perth en Australie. Il me joint des photos et me parle de sa vie. On ne s'est plus vu depuis tout ce temps mais l'image est nette, précise.... Le temps se compresse, les instants du passé remontent à la surface avec le sentiment que c'était hier.

Hier, c'était un mail de ma cousine Colette. Nous nous sommes perdus de vue et sans cette épreuve, le contact ne se serait fait que fortuitement, un jour ou l'autre.

 En fait, depuis que je suis en chimio, l'espace et le temps n'ont plus tout à fait la  même valeur qu'avant. Je reçois des messages venus du fond de mon temps, de plus loin que l'oiseau, à tire d'ailes, ne peut se rendre.  L'espace se réduit, le temps ne garde que les souvenirs de ces instants magiques que sont les moments partagés. Pourtant août me semble encore si loin ! Alors, rien de mieux que de goûter le moment présent. C'est ce que j'ai fait aujourd'hui en allant me promener tout seul dans les bois de la Gileppe. Seul avec le chant des oiseaux et le bruit du travail des bûcherons ! Tout seul et hors du temps. Ce temps qui file autour de moi!

Mercredi 11 mai "Nouvelles"

Avant toute chose je voudrais vous faire part du départ de mes parents pour Saint Jacques de Compostelle. Ils sont partis ce matin en VTT,au départ de l'église Saint Jacques de Polleur. De nombreux amis étaient là pour leur signifier qu'ils les accompagneraient en pensées tout au long du trajet. Quel plaisir de voir tous ces amis, réunis en comité d'accueil sur la petite place du village. Quelques petits mots sympas dans l'église locale avant le vrai départ. La première étape les emmenait par Theux, Pepinster, la vallée de la Vesdre, celle de la Meuse jusque Andenne où ils logeront chez leur ami Jacques, ça ne s'invente pas ! Aujourd'hui, Fernand les attendra à Angleur afin de faire quelques kilomètres ensemble. Samedi, Paul et Malou les retrouveront à Monthelon. Les jours qui suivront les verront prendre la route de Vézelay où Agathe et Arnold viendront les rejoindre pour un ou deux jour(s) de repos. Diverses motivations accompagnent ce voyage, vous pouvez en imaginer quelques unes. Je leur souhaite une bonne route, beaucoup de joies, des rencontres multiples, pas trop de chiens vagabonds, des paysages enchanteurs, de la force pour surmonter les souffrances physiques et morales, des mollets bien huilés pour affronter les montées petites et grandes et enfin beaucoup de soleil,.... Ils vont accomplir chaque jour environ 80 km. La distance est de 2500km. L'arrivée est prévue vers le 13 juin.

Hier j'ai vécu une rude journée. La plus difficile à encaisser. Le médecin m'a gentiment expliqué que ce serait de plus en plus difficile au niveau des effets secondaires. J'ai été malade toute la journée, température, courbatures, plus de forces. Cette fois ce sont mes enfants qui m'ont aidé à monter jusqu'au lit. Ce matin, cela va un peu mieux.

Les résultats sont, à mon idée, moins probants que ce que à quoi je m'attendais. Hier, j'étais déçu mais aujourd'hui, je me dis que ce n'est pas grave car je continue d'avancer. Je dois faire confiance.

De ma visite hier : Je n'ai pas encore de  traitement pour mes douleurs au sein. J'attends ! Le pet scanner (de toutes petites images en noir et blanc de 4cm sur 3) montreraient d'après l'oncologue qu'il n'y a plus pour l'instant de cellules actives, ce qui est une bonne nouvelle. Le scanner du thorax montre toujours une masse importante. A la moitié du traitement, elle devait avoir diminué de moitié. Cependant les premiers clichés (décembre) se trouvent sur un Cd-rom. Le médecin n'a pas l'ordinateur adéquat pour les lire ces images ! Donc pas de comparaison possible entre le scanner effectué à Verviers en décembre et celui de mardi dernier. Je reste dans l'expectative. Idem pour les radios des poumons qui se trouvaient chez moi. Je pensais que le médecin en avait gardé des copies ! De nouveau, pas moyen de comparer. Je ne sais donc pas dans quelle proportion ce fameux ganglion diminue. C'est moche de rester dans l'incertitude !

Autre chose, j'ai un petit "infiltrat" au niveau d'un des poumons. Je m'en plaignais depuis un mois. Le médecin me fait rentrer mardi 24 mai en hospitalisation pour effectuer divers test : respiratoires, radios,.. le but est de voir si un des produits de chimio, la bléomicine, celui qui d'après le cancérologue d' Amstrong (le coureur cycliste) détruit les poumons, doit toujours faire partie de mon traitement ! Le médecin m'explique que le protocole prévoit 4 produits de chimio mais rien ne prouve que la bléomicine est indispensable. Ce n'est pas un discours qui me rend serein ! Je suppose qu'il envisagera de le "balancer" comme il dit ou de le remplacer ? On verra...

Une dernière chose: les piqûres à 1500 euros pour mes globules blancs, une tous les 15 jours, c'est terminé ! La firme ne les offre plus ! Je devrai revenir à l'ancien produit, c'est à dire une injection sous-cutanée qui se fait chaque jour.

Ce matin, je continue ma route, avec quelques doutes, c'est vrai. Heureux d'avoir passé la cap de la journée d'hier et de me sentir un peu mieux. Depuis samedi, lettres, visites, téléphones, mails,...continuent d'affluer. Philippe, Gio, Nicole, Dominique et Jean-Pierre, Marie-Claire, José,Gabrielle, Jean-Pierre, Willy et Colette, Sylvianne, Yves, Michel, Charles et son épouse, et tous les autres que j'oublie. J'en ai de la chance ! Merci à eux, merci à chacun qui me lit, qui pense à mes petits soucis, merci à ma famille qui m'aide à surmonter les difficultés.

J'ai enfin une pensée particulière pour Christian, un ami d'Eghezée, chez qui on vient de découvrir un cancer des intestins et pour François qui vient de perdre son papa. Je leur envoie tout mon courage.

Chimio 9 du 27 avril au 10 mai

Lundi 2 mai "Lectures"

On constate que certains enfants traumatisés résistent aux épreuves, et arrivent même à les utiliser pour devenir encore plus humains. Il ne s'agit pas de surhommes ou d'invulnérabilité. Ils sont arrivés à "associer l'acquisition de ressources internes (Dans nos premières années, lors de nos interactions préverbales, comment réagissions-nous face aux agressions de l'existence) affectives et comportementales avec la disposition de ressources externes sociales et culturelles." (Boris Cyrulnik, Les vilains petits canards). Par ressources externes, il entend le fait que tout le monde doit participer à la résilience. Trouver des lieux d'affection, d'affectivité et de paroles. Dans le quotidien, c'est autant le voisin qui s'inquiète de l'absence de la vieille, que le sportif qui fait jouer les jeunes du quartier, que la chanteuse qui rassemble une chorale, le philosophe qui doit mettre au monde un concept et le partager,... 

"Chaque personne chemine au cours de la vie, le long de sa propre voie qui est unique" (Bowly, L'avènement de la psychiatrie développementale a sonné). Mettre en oeuvre des actions pour s'éloigner de souffrances passées et donc actuelles, transformer la douleur pour en faire un souvenir que l'on peut se remémorer, avec lequel on peut prendre du recul, accueillir ses sentiments, s'ouvrir  à ses émotions. Dans la course quotidienne, on dispose rarement d'un temps d' écoute intérieure. C'est ainsi que différents mécanismes de défense sont mis en place : le déni, l'isolation, la fuite, l'intellectualisation, la créativité (par l'art). "On ne réussit jamais à effacer nos problèmes, il en reste toujours une trace, mais on peut leur donner une autre vie plus supportable." (Cyrulnik).

On constate aussi, que certains portent le poids de blessures qu'ils n'ont pu surmonter. Lorsqu'une émotion intense affecte une personne, elle peut donner lieu à des manifestations de disharmonie dans son organisme. Si l'on ne veut pas refouler ses émotions, il est nécessaire de comprendre que l'on doit exprimer nos sentiments et nos besoins. Pour Claudia Rainville, la seule façon de nous libérer est de retourner dans les événements qui nous ont fait souffrir pour les dédramatiser et pour en transformer la compréhension de ce qui a fait naître ces émotions et ces sentiments. Pour se libérer de ce mal de vivre, il faut fouiller dans sa mémoire et retrouver l'événement qui a pu donner naissance à ce mal. En se retrouvant face à soi même, au calme, détendu, l'adulte que nous sommes n'a plus qu'à y retourner pour aller accueillir l'enfant qu'il était et qui souffrait. Le cerveau ne fait pas la différence entre le réel et l'imaginaire pourvu que ces nouvelles images soient vécues comme réelles, il les accepte.

Jeudi 28 avril " A la mi-parcours, les martinets sont de retour"

Ouf ! Les trois examens sont derrière moi ainsi que la chimio. Je viens de franchir la mi-parcours. 4 mois déjà que je "chimiote" ! J'attends les résultats avec calme et sérénité. Ce matin, je me suis levé en meilleure forme que les fois précédentes. C'est plus encourageant et d'ailleurs, le soleil est de la partie. Mardi, l'examen du scanner du thorax a été particulièrement difficile à vivre. L'injection d'un produit de contraste auquel je semble être allergique m'a donné l'impression d'avoir perdu tout le bénéfice de 15 jours de repos. Les nausées fortes, la fatigue sont réapparues avec force. Pour le Pet scanner, il s'agit maintenant de voir si des cellules cancéreuses sont toujours actives. L'examen fut meilleur. Après cet examen, nous nous sommes arrêtés à l'abbaye de Brialmont avec Evelyne. Un endroit très reposant. Nous avons acheté parmi les livres, cartes et produits alimentaires proposés une boîte de champignons. Le soir, nous avons eu droit à un steak, champignons crème. Ils étaient excellents !
Comme chaque année à cette période, je scrute le ciel afin d'observer l'arrivée des martinets, ces oiseaux migrateurs qui ressemblent à des hirondelles. Très souvent, ils arrivent le premier mai parfois quelques jours plutôt. Cette année, je les ai vu le mardi 26. C'est très tôt ! J'adore ces oiseaux qui ne se posent pas durant les trois premières années de leur vie et effectuent 3 migrations aller-retour avant de nicher dans les infractuosités de nos hauts bâtiments. Les cris stridents de ces martinets que j'entendais de ma classe  lors de leur rapide passage dans la rue de Francorchamps, me rappelaient que le beau temps était de retour. Le soleil allait taper sur les grandes vitres de la classe qui se transformerait rapidement en sauna. Ces cris  étaient aussi le signe que les vacances n'étaient plus très loin ! Auparavant, il faudrait encore gérer la pression inhérente à l'examen interdiocésain. Mettre les enfants en confiance avant de les voir partir, pour le secondaire. Cette année, j'écouterai les martinets de la maison. Les vacances seront encore bien longues.


Ce soir, mes neveux,  Olivier et Victoria, viennent passer l'après 4 heures à la maison. Nous allons faire des photos de Vic pour les remerciements de sa communion. Je me réjouis d'y être!

 

Chimio 8 : Du 11 avril au 27 avril

Lundi 25 avril "Avoir peur"

Me voici arrivé face à mon triptyque. Examens et chimios, de la Citadelle au CHu : scanner, pet scanner, échographie, chimio ! Dans les chambres doubles de la Citadelle, je rencontre à chaque fois une autre personne qui fait face à cette épreuve terrible. Cette épreuve qui vient se dresser à un moment sur notre route. Je me souviens de chacun, je vous en ai déjà parlé. Mon premier équipier de chambrée avait une longue expérience derrière lui, de nombreux mois de chimio. C'était une jeune gars, très sympa, en bonne forme physique. Mentalement, il me semblait fatigué, comme toute personne dont la durée du traitement ne permet pas encore d'entrevoir la fin. Assez ! Plus envie d'écouter des dvd, lire des livres, écouter de la musique,... tous ces passe-temps qui occupaient ses premières semaines. Il parlait peu, juste une communication mesurée. C'était un échange bref mais vrai de celui qui a déjà enduré l'effort et qui préserve toutes ses forces.  Je me souviens qu'on lui avait annoncé après un scanner de contrôle que des cellules cancéreuses avaient été découvertes à un nouvel endroit. Dur à avaler, juste possible d'encaisser, plus moyen de se révolter, accepter et faire confiance. Je repense à ce moment alors que je suis à mi-parcours. Depuis un mois j'ai une douleur au sein gauche et aujourd'hui, je me présente chez le médecin. Toute la phase de peur(s) qui précède le verdict, je l'ai déjà connue avant que l'on découvre que j'étais porteur de la maladie d'Hodgkin. J'avais eu tellement peur,... !  Changer son mode de pensée n'est pas facile? Et pourtant voici ce que me propose Marie-Claire :  "Accueille tes peurs, ressens-les, écoutes-les, vis-les. Donne-toi un moment pour te retrouver avec elles." On n'a pas peur de ce que l'on connaît mais bien de ce que l'on ne connaît pas. Chacun a des peurs !
J'ai donc accueilli mes peurs.  Je les ai laissées venir. C'est plus par le ressenti que par le mental qu'elles deviennent supportables. Mon mental a pourtant bien entendu toutes les remarques positives émises ces derniers jours : l'oncologue m'a laissé entendre qu'elle faisait cette échographie un peu pour me rassurer. Ou bien, mon cousin avec qui j'ai des échanges très profonds me signale que le traitement de chimio m'assure une "assurance omnium" et que médicalement je suis suivi par des spécialistes qui connaissent leur boulot. Ma voisine qui a eu un cancer du sein m'a dit que le cancer n'était pas douloureux,... cependant, plus je pense et plus j'ai peur. Plus le moment du verdict approche, plus la peur grandit. Mon mental ne m'apaise donc pas. C'est pourquoi, je me suis retiré en moi et j'ai ouvert la porte de mes peurs : celles de souffrir, de recommencer un autre traitement comme des rayons par exemple, de mourir, de ne pas voir mes enfants grandir,..
C'est dans le livre de  Thomas d'Ansembourg "Cessez d'être gentil soyez vrai" que je trouve une autre piste. Il nous dit qu' "avoir peur" est un sentiment que l'on éprouve lorsque nos besoins ne sont pas satisfaits. Si nous sommes déjà largement coupés de nos sentiments, nous le sommes presque tout à fait de nos besoins." Il propose de passer par l'observation (réagir à quelque chose que nous observons, entendons) puis par les sentiments (ce que je ressens, quel est mon sentiment ?) définir quel est notre besoin avant de formuler une demande.

Premier examen, La Citadelle : En arrivant au quatrième étage, rien que des femmes et quelques enfants. Normal, je suis en sénologie. Ca discute partout, les enfants ne tiennent pas en place. Les regards convergent vers moi. Je me demande ce que je viens foutre ici ! Une infirmière sort d'une des nombreuses portes puis c'est l'appel. Je suis un peu inquiet car le nom de mon docteur n'est indiqué sur aucune. Une porte s'ouvre. La voix de l'infirmière couvre le brouhaha général.  "Madame Dechêne"... Ca commence bien ! Je me lève et rectifie "je suppose que vous cherchez monsieur Dechêne, pas madame!"  L'infirmière est confuse. Mammographie des deux seins, appel chez le médecin. "Vous venez pour des nodules ?" Etonné :  "Non, j'ai mal au sein gauche !" le verdict tombe : "Ce n'est pas très grave me dit-il. Une gynécomastie" ou un nom barbare dans le genre. Je me fais expliquer trois fois . A la fin de chaque explication, il me salue. Je repose une question. Trois fois, il me dit au revoir. Ca roule ici ! Certainement un dérèglement,... ? Je me vois prescrire une une prise de sang que je réclame car mercredi je suis en chimio. Mon triptyque diminue. Les peurs fort présentes vendredis, moins perceptibles lundi matin font place à un état paisible. 

 

Dimanche 17 avril " Entraînement jogging"

Ecoute le proverbe de ce dimanche : " Lorsque jeudi, avec deux de tes charmantes collègues tu te promènes. Lorsque  vendredi, avec ton ami Philippe tu vas visiter une nouvelle construction et ses dépendances avant d'aller boire et manger. Lorsque  tard le soir, tu parles et tu bois avec tes amis de retour du Mont Ventoux. Lorsque samedi, dans un magasin,  tu vas tester des fauteuils et qu'avec ta femme le soir, tu essayes de rester debout dans une très sympathique retrouvaille d'anciens élèves de l'école primaire,... ne t'étonne pas d'être fatigué au levé et consacre le dimanche à ton lit car tes jambes ne te tiennent plus." C'est un peu ce qui m'arrive. Je me suis endormi trois fois dans la journée de samedi, fatigue quand tu nous tiens.

Je compare cette période aux entraînements que je faisais lorsque je préparais le marathon de Venise.  Un des entraînements consistait à courir 6 fois un kilomètre (2 tours et demi de la piste d'athlétisme) en une durée de 3 min 50 secondes. Après chaque effort, on pouvait trottiner 200 mètres avant de repartir toutes foulées dehors pour le kilomètre suivant. L'effort devait être régulier. Tout était calculé. La vitesse, le temps de passage à chaque 100 mètres, le rythme cardiaque, le nombre de tours qu'il restait à courir (plus que deux tours, plus que un tour, plus que 300 mètres,...). Comme on courait à plusieurs, nous formions un petit train de fous du stade. le premier kilomètre ne posait pas trop de problème mais on sentait le poids de l'effort. Lorsqu'on lançait le second, après 200 mètres on avait compris qu'il faudrait s'accrocher. Au départ du troisième, il ne fallait plus penser à rien car il semblait impossible d'arriver au bout des 6 "fractionnés". L'effort n'en finissait pas. On souffrait dans le quatrième et on ne pensait plus. Faire le vide, ne pas penser à ses jambes, à la fatigue,... Les pulsations atteignaient un niveau chaque fois plus élevé. Avant d'aborder le cinquième et pour se donner du courage, on se disait plus que deux. mais après 100 mètres on avait compris qu'il en restait 900 ! Tenir, allez,allez, encore, Ouf !! Marcher... Plus que un mais pas la possibilité de penser car l'effort pour le dernier reste trop considérable. Enfin, à bout d'énergie, mètre après mètre la ligne d'arrivée finale se gagnait à la volonté de s'accrocher. Ces entraînements appelés fractionnés permettaient à chaque joggeur d'atteindre un meilleur niveau en course.  Actuellement, après huit chimios sur 16 je suis dans le vide mental. Comme dans mon entraînement, trop loin de l'arrivée pour décompter, trop conscient de chaque difficulté, pas envie de me plaindre, trop fatigué que pour réfléchir aux chimios restantes. Garder son énergie et ne plus penser, tenir, s'accrocher, ne pas compter,...

Mercredi 13 avril

Après la chimio de lundi, Evelyne m'a aidé à monter jusque dans la chambre à coucher. Les forces me manquaient Les bras, les jambes, ne me portaient plus. Même couché, une fatigue terrible  envahissait tout mon corps.
C'est dû à l'effet de l'accumulation des produits dans le corps.  Ce mercredi, la fatigue est toujours très tenace. Au niveau des nausées,  pour la première fois à la maison, l'odeur de la nourriture me force à sortir pour respirer l'air extérieur. Ce n'est pas la gloire ! J'attends une amélioration...
Willy, mon ami, est venu m'apprendre à lire mes radios du thorax. Je ne comprenais rien à l'image. Je regardais chaque fois une tache noire qui n'était en fait qu'une poche d'air ! Celle-ci augmentait ou diminuait d'une fois à l'autre sans logique apparente. Je viens de visualiser pour la première fois l'étendue de la masse tumorale. En décembre lors de la première radio, elle était extrêmement étendue. Je comprends mieux les médecins qui me disaient lors de chaque rencontre "Au départ vous aviez une fameuse masse !" Actuellement, elle a bien diminué de moitié.
Comme nous sommes au milieu du traitement, je vais bientôt passer des contrôles. Un examen le lundi 25/4 pour une douleur au sein gauche (échographie) et deux autres mardi 26/4. Un à la Citadelle à 11h15 pour un scanner du thorax et l'autre à 13h30 au CHU pour une Pet scanner. Ma prochaine chimio sera donc le mercredi 27 avril. Un rencontre est prévue avec l'oncologue pour le 10 mai afin de recevoir les résultats.

Chimio 7 : Du 29 mars au 11 avril

Vendredi 8 avril  "17 années"

Alors qu'à la télévision, la messe d'enterrement de Jean-Paul II est au centre de l'actualité, je retiens son dernier mot "Je suis heureux, soyez heureux". Et pourtant ! Autour de moi, j'apprends que des personnes souffrent des suites d'un accident grave, voient le retour de la maladie,... D'autres cherchent un travail et effectuent une démarche active, ou aspirent à une guérison, cherchent un apaisement à leurs souffrances morales.  D'autres encore sont dans des projets de construction, de mariage, d'un voyage, de l'attente d'un enfant,...  Je pense à chacun et j'envoie tout mon courage !

Pour ma part, je suis  presque au milieu de mon long marathon mais déjà je suis las ! Lorsque je courais le marathon de Venise il y a deux ans, au vingtième kilomètre, une grande fraîcheur physique et mentale se dégageait de moi. Ici, le départ a eu lieu il y a quelques mois mais pour arriver l'effort reste considérable. la course est différente même si les supporters sont nombreux.  Il y a des moins : je sens le poids de l'inactivité, j'ai moins de créativité, moins de possibilités intellectuelles, ma mémoire me joue des tours, mon temps de concentration est réduit, les effets secondaires m'ennuient. Tout cela résulte de la chimio, des médicaments absorbés. Il s'agit donc d'une parenthèse importante pour et dans ma vie.
Il y a aussi des plus. Parmi mes occupations, je lis avec passion le "Code Da Vinci", nous avons  visité l'expo du 175 anniversaire de la Belgique, les visites à la maison, les coups de téléphones, ma famille,...  Hier, nous avons été invités par Jean-Pierre et Myriam à faire une balade extraordinaire près de Epen en Hollande. Tous ces petits moments de bonheur au quotidien me portent.

Vivre au jour le jour avec comme plus lointaine échéance ma prochaine chimio reste mon secret. Demain, nous aurons 17 années de mariage. Que le temps a passé vite ! Je suis particulièrement heureux de tout ce que j'ai vécu jusqu'à présent dans ma vie ! 

Jeudi 31 mars "Histoire de moi"

Pour sortir ce que j'avais au fond de moi, j'ai notamment choisi d'écrire. Ca me semblait une démarche nécessaire, un passage obligé. C'était un des buts que je m'étais fixé pour comprendre pourquoi cette épreuve se trouvait actuellement sur ma route. J'ai écrit pour moi avec un espace secret sur mon site web pour ma famille et mes amis.  Au fil du temps, ma démarche est devenue de plus en plus publique. D'anciens élèves, des connaissances, des inconnus, des amis dont je n'ai plus croisé la route depuis longtemps. A l'instant voici que je reçois un mail de ma meilleure copine de mon adolescence, Cathy. On ne s'est plus vu depuis tant d' années. Je suis très heureux de lire ce qu'elle m'écrit. Comme tous ces textes que l'on m'envoie. Ils  sont si profonds et remplis d'humanité. En écrivant, j'écoute parfois Laurent Voulzy qui m'accompagne en pensées et en musique.

"Mystère, de nous, passagers sur la terre, on est venu pour quoi faire, faire à quoi ça sert, parler ou se taire, travailler chercher des airs ?"  me chante-t-il.
Il m'arrive aussi de penser à cette autre phrase : "Dans cinq générations, quel souvenir restera-t-il de ta vie ?" Je me le demande bien souvent ces derniers temps ! Laissez une trace n'est donc ni indispensable, ni une raison de vivre. D'ailleurs,
je ne vois ni cathédrale, ni empire économique, pas plus que de hauts faits sportifs ou de découvertes médicales extraordinaires, d'inventions géniales,... Simplement de petits gestes. Un  parmi d'autres : j'ai planté des arbres, dont un chêne. sa croissance a été difficile au départ mais maintenant après environ 10 ans, il est bien parti. Certains chênes vivent millénaire et voient défiler des générations entières sous leur feuillage. Le mien, je ne sais quelle sera son histoire. Peut-être mes arrières petits-enfants se réinventeront-ils le monde à l'ombre de ce qui aura été au départ une simple pousse. Qui sait ? J'aime les histoires et particulièrement celle écrite par Jean Giono "L'homme qui plantait des arbres". Il m'arrive d'écouter plusieurs fois d'affilée le CD du récit de cet homme hors du commun qui s'était retiré du monde à un moment de sa vie. Chaque jour que Dieu faisait, il plantait des arbres. Il en avait planté tellement qu'une forêt immense avait vu le jour. Face à "cet oeuvre digne de Dieu qui avait demandé tant de courage et d'abnégation", les courses effrénées et les actions du quotidien paraissent bien peu de choses. Je le constate de plus en plus car je suis à l'arrêt maintenant. Cela m'est très difficile à accepter. L'acceptation est ce qu'il faut apprendre me dit souvent Marie-Claire. Ma vie a été une course et plus je la regarde, plus mon regard se tourne vers l'enfance.  
Mes besoins vitaux contrairement à mes grands-parents et les générations précédentes ont toujours été comblés. Je n'ai jamais eu à souffrir comme eux de la faim, du froid, de la guerre, de la mortalité infantile, des maladies, de l'insécurité,  d'un logement,...


Dans l'histoire de ma famille, mon grand-père maternel a dû quitter son village de Bianzano  pour chercher du travail alors qu'il devait avoir mon âge. Comme tous les hommes du village, il a quitté sa famille, son village, son pays, sa langue, sa culture, ses racines,... ! Lui, son périple à la recherche de travail pour subsister l'a mené en Afrique puis en Allemagne et enfin en Belgique dans les carrières à Dolhain.  Sa famille l'a suivi par après. C''est ainsi que ma maman est arrivée à 4 ans en Belgique.  A cette époque, les besoins se survie et de sécurité n'étaient pas rencontrés. Ma génération devient alors la première qui peut passer au palier suivant dans la pyramide de Maslow. Le palier de la relation, des besoins émotionnels.
Aujourd'hui, chez nous, l'enfant qui naît peut manger à sa faim, dormir, être au chaud et en sécurité mais en plus on lui donne aussi de la tendresse, de l'affection. Parfois, trop ! Trop, c'est comme pas assez. L'enfant à qui on donne "trop" risque de se sentir étouffé. Dans mon histoire, celle de mon enfance, puis de mon adolescence et enfin celle de l'adulte que j'étais, j'ai recherché sans cesse à rencontrer ces besoins émotionnels. J'ai cherché à faire briller mon blason intérieur que je ne croyais pas suffisamment à la hauteur des ambitions qu'on me prêtait.  J'ai cherché à prouver que je valais bien tout l'amour que l'on me donnait. Mon image étant notamment galvaudée par des résultats scolaires moyens  entre 10 et 15 ans. L'école ayant un sacré pouvoir de jugement, c'est toute la personne qui se trouvait "déclassée" ! Jugement de tout l'être par le biais de performances scolaires, par des comparaisons à la norme, ... Le regard de l'institution, le regard  de l'autre ! Pour ne pas ressentir ce profond mal être, je me suis recherché une image positive par l'action sociale, sportive, professionnelle, musicale,... Je me suis dépensé sans compter dans le travail, dans toutes ces  activités qui ne me laissaient  que peu de temps pour être en contact avec ce que je ressentais. Ce "faire des choses" est devenu ma raison de vivre.  "Et si l'on a besoin d'une raison de vivre pour se motiver à avancer dans la vie, c'est que l'on n'a pas encore compris  ce que vivre veut dire. Pour vivre avec son ressenti, pas besoin de s'accrocher à qui que ce soit ou à une quelconque raison de vivre." m'a dit Claudia Rainville. J'y réfléchis beaucoup ! Les deux derniers paliers de la pyramide sont l'action : le besoin de créer puis l'actualisation : le besoin de servir.

Chimio 6 :    Du 14 mars au 29 mars 2005

Jeudi 24 mars "Vélo le long de la Moselle"

Départ avec Herbert et Ida à 10h30. Ils m'annoncent leur décision de rejoindre Saint Jacques de Compostelle à vélo mi-mai. C'est une excellente nouvelle!  Cette journée de  balade entre les vignes ou le long du fleuve a été très agréable. Un petit plat sympa dans un restaurant avec le point de vue que vous voyez. Une météo variée : petite pluie fine, quelques rayons de soleil, des nuages gris, des éclaircies et peu de vent. Seize degrés lors des 13 km du parcours. Cet aller-retour au départ de Rhemagen, ex-ville romaine,  suffisait amplement à mon bonheur. Une chute dès le départ, avec un tout petit bobo de rien du tout et qui saigne un peu, prend directement des allures de catastrophe sur mon moral. Un petit tour à la pharmacie et puis l'on repart. Ce fut une belle journée !

Mercredi 23 mars "Revoir ses élèves après 4 mois !"

Ce midi, j'ai été rendre une petite visite à mes élèves que je ne n'avais plus vu depuis fin novembre. Ils étaient en séjour à la Fraineuse et prenaient leur repas à Bérinzenne autour du grand barbecue. Une fois la porte franchie, j'y ai reçu un accueil formidable. J'en étais très ému ! La chaleur du feu n'était en rien comparable à côté de celle témoignée par les enfants. J'ai eu la chance de parler avec chacun et je les ai trouvés en grande forme. Chaque tablée de six était fort disponible et la bonne humeur était au rendez-vous. Ils sont très gentils, affectueux, parlent avec leur spontanéité, sourient, posent des questions, se tiennent vraiment très bien car après avoir fini de manger ils ont dû rester assis à table plus de 15 minutes (le temps d'amener un gâteau d'anniversaire, de débarrasser,....) Mes collègues sont très souriants, un peu bronzés et je les admire de donner ainsi leur temps. C'était une visite très riche en émotions que je ne regrette pas. Merci à tous pour cet accueil ! 

 

Les 24 enfants de 6A, SFX2

Lundi 21 mars  "Le printemps... Difficile de lâcher prise"

C'est le printemps !  Voici une déjà une saison que j'ai appris le mal dont je souffrais. Ce matin, j'avais besoin de récupérer car  le réveil indiquait 10 heures lorsque mes yeux se sont ouverts. Du lit, j'ai vu les rayons du soleil, le ciel bleu comme l'azur. Une joie  intérieure s'est emparée de moi un peu comme une joie d'enfant lors d'une belle journée d'été. Le soleil me fait un bien fou car cette semaine a été la plus difficile et la plus longue sur le plan des effets secondaires et de la fatigue. Ce matin, j'ai de nouveau constaté la présence de nombreux petits cheveux sur mon oreiller.  Après avoir déjeuné, j'ai pris un "bain de soleil" comme jeudi dernier et comme dimanche. Ma peau se pare déjà de la couleur caractéristique des gens du sud. C'est sans doute la première fois de ma vie que mon crâne clairsemé est aussi bronzé ! Samedi, Evelyne a été acheter des fleurs vivaces à repiquer dans le jardin. Je les ai plantées directement. J'aime faire le tour du jardin car les sens sont en éveil. Je vais regarder les plantes, les sentir, leur parler, en découvrir de nouvelles. Demain, ce sera pareil si Dieu le veut et après demain aussi.
Depuis presque deux ans, je poursuivais une formation personnelle et professionnelle tous les mercredis et tous les samedis. Bien loin d'ici, à Ciney ! Une heure vingt de route à l'aller, idem au retour ! Un formation riche, variée, diversifiée qui m'intéressait, qui me plaisait car j'apprenais beaucoup de choses, je rencontrais des gens intéressants, je partageais mes acquis et émotions avec des amis,... Chaque jour qui passait, je consacrais à ce projet entre une et quatre heures de travail. Lire, résumer, étudier, préparer des exposés, apprendre, découvrir, comprendre,... Depuis l'annonce de ma maladie, j'ai essayé de continuer tant bien que mal. Ne pas perdre les acquis, rester dans le coup, tenir bon ! Mais la fatigue, l'effet des médicaments et de la chimio sur mon cerveau et mon corps, m'empêchaient de continuer normalement ce chemin que j'avais choisi. Toute la famille faisait des efforts pour me permettre d'assumer ce choix. Un constat est bien vite apparu ! Je consacrais beaucoup plus de temps et d'énergie pour lire et résumer un livre. Lire trois pages restait parfois une fameuse épreuve ! Pour la première fois, je n'ai pas fait un travail demandé alors qu'il m'intéressait. Non par obligation mais par intérêt car je reste toujours libre de choisir. On me parlait d'échéance pour l'année 2006, alors que ma plus lointaine échéance au quotidien reste ma prochaine chimio ! Sans cesse me revenait à l'évidence que je ne pouvais continuer à ce rythme. Kim Clisters et Francis m'ont aidé à mieux analyser la situation.  Dimanche dernier, au concert de Steve Hacket, Francis m'a expliqué qu'il avait suivi une formation durant 18 mois avant de devoir arrêter à cause d'une double fracture à la jambe. Il n'a jamais terminé sa formation et n'a récolté aucun fruit officiel de son investissement. Durant toute la semaine, cette phrase n'a cessé de me revenir à l'esprit. C'est quand j'ai entendu que Kim avait remporté le tournoi de tennis ce week-end, après de longs mois d'absence suite à une blessure que j'ai compris. Impossible lorsque je faisais du jogging de continuer à m'entraîner si j'étais blessé. Je le sais car je l'ai vécu. Cela engendre du stress car on se demande sans arrêt si l'on ne va pas perdre ce qu'on a difficilement gagné au prix de longs efforts. Idem pour Kim ! Revenir trop vite ou continuer à forcer ne fait qu'empirer la situation. Je devais d'abord penser à donner du temps à mon corps. Lâcher prise ! Que c'est difficile pour moi ! La force de décider m'est venue de Kim. Finalement, elle est revenue à son meilleur niveau après avoir pris le temps. Elle ne pouvait pas faire autrement. Moi, je pensais pouvoir continuer à lutter sur deux plans. Samedi, je n'ai pas été au cours. J'ai pensé beaucoup à eux. Cette absence reste une victoire morale sans doute car dans ma vie, je n'ai jamais su abdiquer, ou lâcher prise. dans mes projets, en sport, dans mon quotidien ! C'est peut-être aussi une manière de comprendre pourquoi cette maladie s'est présentée sur mon chemin. Mon corps criait stop à mes excès et ma tête me disait de continuer. Il m'a fallu du temps pour prendre cette décision. Ce fut et reste  très difficile à accepter. Cependant, j'ai le sentiment d'avoir gagné plus que je n'avais perdu. D'abord, guérir et puis choisir. Cet après-midi, j'ai fait ma première sortie à VTT avec Yves : le tour du lac de la Gileppe. Sous le soleil, avec et contre le vent, mais doucement tout au long des 16,2km. ( Mardi 22/3 Cet effort, je le paye ce mardi car je n'ai plus de force dans les jambes. L'effort reste très éprouvant après coup !)

Vendredi 18 mars   "Musique classique"

A chaque fois que je prends la voiture, ce qui est à dire peu souvent, je n'arrive plus à écouter les radios FM, les informations catastrophiques, les fermetures, l'Irak, les frasque d'Anne-Marie Lisin,.... Tout cela m'encombre l'esprit. La seule que je supporte encore mis à part le silence qui me convient, c'est Musique3, la radio des concerts classiques. J'ai besoin de calme car dans ma tête, le bruit me fatigue. Deux événements m'ont interpellé à ce sujet. Dimanche au concert de Steve Hacket nous étions plus proche de la musique de chambre, que du rock. Une guitare acoustique, un clavier et une flûte alto nous ont charmés, bien coulés que nous étions dans nos fauteuils rembourrés. Les jambes criaient parfois tant l'espace était réduit mais les émotions s'imprimaient dans notre mémoire. Une mélodie douce, comme du miel qui coule dans nos oreilles. J'aime cette expression de Jacky Lacroix !  Pourtant, Steve Hacket, c'était Genesis, un groupe avec qui vous savez ! Entre autre le fantastique Phil Collins ! Durant ce concert, la musique proposée m'a surpris. Je pouvais fermer les yeux et rêver. Fermer les yeux, c'est un jeu que je fais à l'hôpital. Lorsque je me rends à la radio des poumons, je dois traverser de longs couloirs. J'essaye de marcher le plus longtemps les yeux fermés. Juste pour voir.... Non bien sûr pour ne rien voir et mettre d'autres sens en éveil. je l'ai déjà fait aussi dans un coupe-feu, on prend de plus en plus confiance avec le temps. Deux événements, disais-je ! Hier soir, c'était le second. J'étais fatigué comme jamais auparavant. Même dans mon lit, je n'arrivais pas à trouver la position idéale. J'étais nauséeux, j'avais mal aux yeux d'avoir trop fait d'ordinateur (avez-vous vu les deux premières pages du site ?). Quand soudain,... Mozart ! J'ai repensé au film Out of Africa lorsque l'acteur principal fait écouter Mozart à des singes en pleine savane : "Vierge de tout bruit humain et puis Mozart". J'ai eu le même sentiment, en entendant hier soir Lola répéter ses morceaux à la flûte traversière. Quel bonheur !

Pourtant elle pestait que rien n'allait, qu'elle allait arrêter la flûte, .... Les yeux fermés, j'imaginais toute cette série de notes  qui évoquaient dans sa tête des positions de doigts, un souffle précis, une bonne coordination, un rythme à respecter,... Ce qui sortait de cet instrument était merveilleux. Ce soir, elle va répéter à l'orchestre. Entre temps, une belle journée s'annonce ! Le soleil  nous éclaire déjà de ses premiers rayons ce matin. Ma journée commence mieux que les jours précédents, ma langue est moins sèche, mon ventre se tord moins et ma fatigue diminue. Hier, j'ai parlé avec mon ami et voisin Philippe, ça faisait longtemps que je ne l'avais plus vu. J'en étais très heureux ! Il m'a dit qu'on serait vite au mois d'août, ça m'a fait plaisir et sourire. Mais d'abord, vive le printemps ! Et vive cette journée qui s'annonce belle ! "Belle, belle, belle comme le jour !"

Mardi 15 mars "Quelques nouvelles très ponctuelles"

Vendredi midi, j'ai été manger un petit bout avec quelques collègues. C'était très sympa. Descendre et remonter à pied m'a fait du bien. j'ai même poussé la porte du palais de justice pour voir. je n'y étais jamais rentré. Vendredi soir chez Georges et Brigitte, c'est en famille que nous avons passé une soirée de rire et de bonne humeur, autour d'un excellent repas. Samedi matin alors que j'étais à Liège, Jonas a été invité par son ami François à partir en Turquie du 4 au 14 juillet dans un club all inclusive. Il était très content. Evelyne était à la bourse aux vêtement de Jehanster comme chaque année pour donner un coup de main. Jean est venu me saluer. Samedi vers 17 heures, Evelyne et moi avons été féliciter José pour sa pension. Un verre de l'amitié  plein de rencontres avait lieu au collège SFX. Dimanche soir avec Francis, nous avons été au Grand-Théâtre de Verviers écouter Steve Hacket (ex-Genesis).

J'ai eu la chance d'assister à trois concerts extraordinaires durant cette semaine. Ce festival de la guitare me laisse un souvenir inoubliable. Lundi, je suis rentré en hôpital de jour. J'ai été suivi par une équipe formidable. De nouvelles rencontres, de nouveaux visages, de nouvelles expériences. Cette fois, j'ai pu rentrer à la maison dès 17 heures. Tout s'est bien passé mais une fatigue terrible m'a envahi. Au vu du programme, vous comprendrez pourquoi ! J'avais pourtant été dormir samedi et dimanche après-midi !  Je pense surtout que la chimio me fatigue de plus en plus. Ce mardi matin, je me lève avec un rayon de soleil printanier cela me fait du bien. Mon estomac est un  nauséeux. Il faut faire avec. Mes enfants sont en congé pour cause de conférence. A midi, Oli, Victoria et Julia viennent manger à la maison. Je retourne dormir.

Chimio 5 :    Du 1 au 14 mars 2005

Jeudi 10 mars "Sainte Claire me sonne"

Hier matin, pour la première fois depuis des mois, je n'avais pas de mail dans ma boîte à messages. J'oubliais Sainte Claire !  Sainte Claire allait m'inonder à défaut de soleil, d'une pluie de contacts durant cette journée. Je n'avais pourtant pas été porter des oeufs ! Tous en même temps, serait-ce un hasard ? Belles coïncidences ! Francine avait lancé le prologue samedi matin en me donnant des nouvelles de sa famille. Hier ce ne sont pas moins de quatre longs coups de téléphone de mes anciens collègues de Sainte Claire et un sms de Mimy, mon ex-directrice. J'y ai travaillé environ 10 ans. Je me dis toujours que j'y ai tout connu ! C'est là que j'ai vraiment appris mon métier, j'y ai vécu des choses extraordinaires avec mes collègues,  éduqué et instruit des enfants très attachants provenant de tous les milieux sociaux, rencontré de nombreuses personnes engagées dans des projets d'école, de quartier, projets sociaux.  Il ne se passe pas un jour sans que je ne pense à mon passage dans cette école. Hier, c'est ma collègue Nicole qui a ouvert le bal. Son petit fils de 12 ans fait très courageusement face depuis de nombreux mois à un traitement chimio. Il va bien et ne lui reste plus qu'une cure ! Il est en classe à Theux chez un ami, ex-collègue de Sainte Claire également : Alain. Un instit dont la pipe est aussi légendaire que les oeuvres d'art que sont ses tableaux. Je parle ici du tableau noir de l'instituteur ! Un ami tout en hauteur, d'une grande bonté et d'une gentillesse de tous les instants. Nous nous sommes entretenu avec beaucoup de bonne humeur. Ensuite, Gabrielle, l'instit de 6 primaire qui est actuellement en indisponibilité professionnelle depuis de longs mois m'a longuement écouté. Enfin, Francis, mon beau-frère et prof de gymn à Sainte Claire et SFX2 m'accompagnera dimanche au concert de Steve Hacket. Je n'oublie pas Asta ma collègue de première primaire qui est devenue ma directrice à SFX 2. Elle a pris des nouvelles auprès d'Evelyne. J'étais malheureusement absent ! Je ne parlerai pas ici de tous les autres avec qui j'ai vécu : enfants, parents, enseignants du secondaire ou supérieur, éducateurs, instituteurs, institutrices, puéricultrices, directions qui sont bien présents dans ma mémoire. Merci à chacun !

L'après-midi, mon ami Dominique est venu partager deux heures de discussion philosophique. Nous suivons des chemins très parallèles depuis la lecture de "la prophétie des Andes" vers 1999. On se souviendra longtemps de cette première discussion, sous les étoiles, un soir de 14 juillet, perdu dans un camping au fin fond de la Corse sans eau chaude et avec douches à pleurer ! Je n'en dis pas plus mais l'endroit était paradisiaque ! Depuis l' Ecole normale que de rencontres :  nos nombreuses vacances passées ensemble en famille, nos randonnées,  fêtes, Vtt, repas,fancy-fair,projets, ... font qu'avec Lulu, et leurs enfants nous avons toujours du plaisir de nous rencontrer. Hier, ensemble, nous avons  beaucoup parlé. Parlé de la vie, de la mort, de la magie de l'instant présent, de sortir ce qu'on avait en nous par la créativité, l'expression, l'art. Dominique m'a fait un cadeau somptueux il y a deux mois :une superbe toile qui me permet de m'évader tous les jours que je vis. C'est un artiste, un ami qui m'est cher.

Hier soir, j'ai été avec Herbert, mon papa, écouter un concert au Spirit of 66. Albert Lee and the Hoogans heros ont joué de la musique country, blues, rock, balade jusque tard dans la nuit. Nous avons passé une excellente soirée et avons eu droit à quatre chansons lors du rappel ! C'était la première fois qu'Herbert  allait dans ce temple verviétois de la musique.

Ah ! J'oubliais ! L'oncologue m'a dit hier un tas de choses que je n'ai pas écouté mais à la question "Ca veut dire que c'est bon docteur ?" il m'a répondu "Non ! Très très bon !". Mais je le savais. Merci à mon ressenti

 

Dimanche 6 mars "Trois moments de bonheur en 24 heures"

Dans une journée, il n'y a que 24 heures. Le temps passe tellement vite que le quotidien laisse peu de place à l'imprévu, à l'extraordinaire. Parfois, vous avez la chance de vivre un événement qui vous rend particulièrement heureux. Ainsi, lorsqu'on a la chance de se coucher le soir en se disant que la vie réserve tout de même de belles surprises, on s'endort le coeur joyeux. En 24 heures, j'ai vécu trois moments de pur bonheur. J'ai donc passé une nuit de... rêves.

Le premier merveilleux que je voudrais vous raconter s'est passé samedi en fin d'après-midi. Après une difficile journée de formation à Ciney, voici le téléphone qui sonne. C'est ma petite soeur Bénédicte. Elle aura 30 ans dans quelques jours. Ses deux petits garçons, Sam et Léo, sont extraordinaires.

Actuellement, Béné a, avec son mari Pilou au coeur d'or, des projets de maison plein la tête . Dans la discussion téléphonique, elle m'explique qu'elle a quelque chose à me dire, que son coup de téléphone transgresse quelque peu les conventions familiales... Je suis fatigué, nauséeux depuis le début de semaine, ma journée a été rude et j'ai des états d'âme. Bénédicte me parle doucement. C'est alors qu' une éclaircie apparaît dans cette froide journée d'hiver. Le soleil prend tout la place dans le ciel, l'été arrive sur ma vie. Bénédicte m'annonce la plus belle des nouvelles qui puisse exister. La vie va poursuivre son merveilleux chemin. Un bébé est en route, il naîtra vers la mi-octobre. Pour moi, dans mon état, c'est une nouvelle extraordinaire. J'y vois un signe du ciel ! C'est peut-être la première fois depuis l'annonce de la maladie que je prends conscience que cette vie je peux l'envisager dans le long terme car elle prend un visage. Le visage de cet enfant que je ne connais pas encore et qui vient sur ma route à partir d'aujourd'hui me porte. Merci ! J'adore mes enfants, Jonas, Lola ! Et puis il y a Olivier, Victoria et Julia, Sam et Léo, Emily and Sam. Ils représentent l'avenir, l'espoir, la vie avec tous les autres enfants du monde!

Un second moment merveilleux de ma vie. Vous savez que je fais un peu d'informatique et que je gère le site internet Best of Verviers. A cette occasion, j'ai interviewé différentes personnalités du monde culturel, social,.. Jacques Stotzem, le guitariste acoustique fait partie du lot. En décembre 2003, lorsque je lui ai demandé quel serait l'événement dont il rêverait pour Verviers ? Il m'a parlé d'un festival de guitare. J'ai directement contacté Francis Geron, patron du Spirit of 66 et lui  ai fait part de l'idée. Un an plus tard, en janvier 2004, j'ai reçu un mail de Francis me signalant que le premier festival de guitare aurait lieu du 5 au 15 mars à l'Espace Duesberg, au Grand-Théâtre et au Spirit. Il me remerciait car me disait-il "C'est grâce à vous que le festival va naître et y seront présents les plus grands guitaristes du monde".
La programmation pour ce festival est fabuleuse. Dire que les artistes viennent vraiment des quatre coins du monde.
Hier soir,les artistes ont été à la hauteur de leur réputation. Le spectacle offert musicalement était riche en émotions, l'ambiance décontracté et le public connaisseur.


Assis anonymement, avec Evelyne, dans la salle de l'Espace Duesberg et invité par Francis,  j'ai reçu hier soir deux hommages extraordinaires. Un au début par Francis Geron et un à la fin du spectacle par Jacques Stotzem.  Toute cette assemblée qui représente pour moi plus qu'un groupe de personnes mais aussi la vie, l'Homme, la culture, la rencontre, ... a vivement applaudi !  Ce n'était pas un simple merci à ... Non ! Mais un réel plaidoyer pour le site et un message vrai, un qui vient du coeur, d'un homme à un autre ! Je me disais tout bas que tous ces gens dont certains venaient de toute la Belgique, d'Espagne, d'Angleterre et même des USA pour assister à ce concert, étaient réunis un peu grâce à moi. Une émotion d'enfant m'a envahi !  Avoir pu être  l'initiateur de moments de rencontres autour de la musique qui vont probablement se perpétuer au fil des ans grâce à l'action de Francis et Jacques, c'est magique ! Moi qui vit hors du temps et dont tous les projets se sont arrêtés je constate que la vie est vraiment plus forte.

Le troisième moment merveilleux fut le souper vendredi avec Willy et Colette. Nous avions rendez-vous dans un restaurant à Dolhain vers 18h30. Leur fille Sarah que j'adore venait d'acheter une maison une heure plus tôt. Acheter une maison, c'est une chose qui n'arrive pas souvent dans la vie. A cette occasion, nous avons alors bu, mangé et discuté. On a tout fêté : la sortie, l'achat, mon cheminement, notre plaisir d'être ensemble. Colette qui travaille à Dolhain, connaît vraiment beaucoup de monde. Pour tout dire, elle saluait chaque couple ou groupe qui arrivait d'un signe, d'un mot sympa ou d'un geste amical ! Il arrivait même qu'elle se lève afin de pouvoir aller embrasser Pierre ou Paul. Parfois même, Pierre et Paul ! Cette attitude VIP m'a rappelé ma grand-mère paternelle. Ma Oma habitait Eupen, petite ville germanophone à dimension humaine. Ma grand-mère avait de la bonté dans le regard et certainement l'âme chaleureuse.  C'est ainsi que lorsqu'on se rendait de la maison au cimetière ou de la maison à l'église, le temps du parcours était toujours doublé voir triplé ! A mon grand énervement intérieur, elle saluait et discutait avec chaque personne qu'elle croisait. Elle me présentait comme le fils d'Herbert, instituteur à Verviers ! C'est avec bonheur et nostalgie que j'ai repensé vendredi à ces moments que finalement j'aime reproduire !

Vendredi 4 mars

Jeudi 3 mars  "RTBF 2, débat sur l'Ecole (du 28 février). Quelques réflexions."

En regardant le débat sur l'Ecole avec Luc Ferry, M. Aréna, J. Cornet, P. Beague (psycho),... j'ai pu constater qu'il me restait encore de la passion pour la chose scolaire. Heureusement car la maladie ne me donne plus l'occasion de me former, de pratiquer ! Je voudrais reprendre deux idées tirées du débat sur l'Ecole et vous livrer quelques réflexions. La première idée relève du constat qu'entre société et Ecole, c'est la crise. Quel sens pouvons-nous encore donner à l'Ecole au regard de ce que la société attend d'elle ? La seconde idée est en rapport avec le vaste sujet de l'éducation. Quelle est la place de l'éducation dans l'Ecole ?

1. Ecole et société : Aujourd'hui, la société est malade de l'Ecole car les valeurs et les réalités sur lesquelles fonctionnent ces deux institutions s'opposent.  A l' Ecole, le travail se fait dans la durée, la patience, la construction. Le Décret Missions le confirme dans son article 6 : "Promouvoir la confiance en soi, le développement de la personne... Préparer tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au développement  d'une société démocratique, solidaire,.... Amener tous les élèves à s'approprier des savoirs et acquérir des compétences qui les rendent apte à apprendre toute leur vie,..." Dans le temps social qui est nourri par les techniques modernes de l'information, de la communication, le temps est davantage à la productivité, à l'économique. On vit dans l'instant. Tout adulte doit faire face à de nombreuses contraintes administratives, économiques et sociales. Les journées durent 24 heures et bien souvent on court après le temps. Ce temps qui nous file entre les doigts.
En acceptant de prendre un peu de recul, on se rend compte que les enjeux principaux auxquels nos enfants ont ou auront à faire face, c'est la survie de l'espèce (l'état de la planète, les ressources, la surpopulation, l'éthique,...). Dans notre culture actuelle, on sait que l'enfant va à l'école pour comprendre des choses. Par exemple, tous ces savoirs qui ont été construits par ceux qui nous ont précédés et qui vont nous servir pour devenir plus compétents. Dans comprendre des choses, nous percevons très bien ce souci d'historicité et il en va de même pour la prise en compte de nos racines, de notre culture. Mais comment résoudre les problèmes qui vont se poser ? Qui se posent déjà ? J'ai envie de dire qu'il faut donner du sens à l'Ecole. Pour Boris Cyrulnik (psychiatre, éthologue) dès qu'un être humain a une mémoire et un projet, il peut donner du sens à ce qu'il perçoit. Percevoir, fait appel à nos sens, à ce que l'on vit, à nos émotions ainsi qu'à notre mémoire. La mémoire n'est pas une accumulation passive d'informations. Elle évolue sans cesse. C'est donc l'expérience qui permet de réarranger nos souvenirs pour s'adapter à la situation. Donner du sens à l'Ecole, c'est rendre l'enfant acteur de ses apprentissages dans des situations riches et diversifiées préparées par l'enseignant.
Pour faire face aux problèmes qui vont se poser, nous avons besoin d'enfants créatifs (Louise Poliquin). La pensée créatrice est dans nos classes depuis 1968. Aujourd'hui, en plus de la créativité, on ajoute la réflexivité qui permet d'apprécier la distance entre son intention de faire et le résultat achevé. Il s'agit d'un nouveau principe d'intelligibilité (Isabelle Ardouin).
Nous avons besoin de personnes qui agissent qui osent entreprendre. En conclusion, de son livre Michel Develay (Professeur en sciences de l'éducation) écrit ceci "Mieux comprendre pour agir et agir pour mieux comprendre la question du rapport au savoir et la question du rapport à la loi des élèves, pour faire de l'Ecole un lieu d'instruction, d'éducation et de sens. Pour que la société n'apparaisse pas à ceux qui la perpétueront demain, nos élèves, comme un lieu de non-sens mais comme un espace de construction d'une direction que l'on assume grâce aux savoirs que l'on acquiert."

2. Education et société : A l'échelle de l'Homme, c'est à dire 3,5 millions d'années, les enfants ont toujours été éduqués dans les familles. Ils reprenaient très souvent le métier et le rôle des parents. L'école n'est devenue obligatoire qu'en 1880 en France et en 1914 en Belgique. Il s'agit donc une institution récente où l'enfant de 12 ans en sait aujourd'hui plus qu'Aristote. Les savoirs vont tellement vite qu'ils doublent actuellement tous les 4 ans (ou 6 ans selon les auteurs). S'il est indéniable qu'une réflexion par rapport au savoir doit être menée, il en va de même pour le rapport à  la loi. Comment articuler la construction des savoirs, les connaissances au respect de la loi, au fait de travailler et vivre ensemble ? Il est primordial de donner des règles et ce particulièrement dès la prime enfance. Dans nos classes, on constate que les professeurs ne peuvent plus uniquement faire de l'enseignement. Ils doivent, bien souvent, d'abord éduquer. Eduquer, c'est transmettre aux enfants plus que des savoirs, des savoir-faire,... c'est transmettre des valeurs. La finalité de l'Ecole reste enseigner pour éduquer. Cependant, l'école n'est pas le seul lieu d'éducation. Dans notre société, il existe trois lieux de socialisation : la rue, l'école et la famille. Un soutien à la parentalité s'avèrerait nécessaire car il est indispensable de donner au petit enfant un cadre et des règles.  Chaque parent a envie d'assurer le bonheur de son enfant. Mais celui-ci doit vivre, apprendre à accepter ses frustrations pour grandir. Jacques Salomé nous dit que " Ces enfants du désir (je veux) ont un seuil de tolérance à la frustration, tellement bas, que toute rencontre avec la réalité est vécue comme une agression à laquelle ils répondent par la violence". La violence dans l'éducation mérite un petit détour historique. Socrate remarquait que " Notre jeunesse est mal élevée, elle se moque de l'autorité et n'a aucun respect pour les anciens. Nos enfants répondent à leurs parents et bavardent au lieu de travailler." Aujourd'hui, Michel Develay dans "Donner du sens à l'école" insiste sur ce rapport à la loi. "C'est dans cette élaboration commune des droits et devoirs entre enseignants et élèves que se construit la loi, visée fondatrice ultime de l'éducation".  Pour Bernard Defrance, professeur de philosophie : "L'école n'est pas un lieu de démocratie mais un temps d'apprentissage de la démocratie". A l'Ecole, si on veut éduquer, il ne s'agit pas seulement que les élèves respectent la loi, mais qu'ils l'élaborent et surtout la vivent, la construisent  au travers du vécu, de conseils de classe, conseils d'école, de temps de discussion, d'échange.

Pour conclure, l'école ne peut accomplir, seule, cette lourde charge qu'est éduquer. Mais c'est en maintenant l'équilibre entre éducation et instruction qu'elle garantira une cohésion sociale et un avenir pour une société démocratique, solidaire, pluraliste et ouverte aux autres cultures. Ecole et familles doivent oeuvrer de concert à l'éducation des enfants. Cette famille qui aujourd'hui est plurielle reste la première cellule chargée de la construction de la personne. C'est dans la qualité des échanges entre parent(s) et enfants et ensuite dans la relation à l'autre que l'enfant se construit une personnalité pour l'avenir. Son avenir, notre avenir.
Je suis les liens que je tisse." A. Jacquard.

Notre maison

Mardi 1 mars  "Bollettino"

C'est comme ça qu'était intitulé le bulletin de santé de Jean-Paul II distribué hier à la presse. Je ne me prends  pas pour le pape mais voici tout de même mon bulletin. Retour à la maison ce mardi avec l'appétit qui revient ! Chimio avec fièvre et vomissements comme la dernière fois. Petite nuit mais gros moral. Pas encore de résultats du Pet scanner. L'analyse des radios du poumon et de son important ganglion montre que la taille de celui-ci diminue bien. La prochaine fois, le 14 mars, j'ai choisi de recevoir ma chimio en hospitalisation de jour. J'arrive à 8h30 et je retourne le soir. Autre service, autre médecin, autre personnel soignant !
Que de neige dans le jardin. Sur la barbecue en dur, je pense qu'il y a bien 30 cm de neige qui s'est accumulée.

 

Chimio 4 :    Du 14 au 27 février 2005

Avec Evelyne, balade sous la neige

Samedi 26 février   "Pet scanner au CHU"

Vendredi, j'ai été passé un scanner au CHU. Quel complexe ! Des parkings partout aux alentours, des bâtiments tout en béton , Un volée d'ascenseurs comme dans nos grands magasins, une longue file au "bancontact", de nombreux commerces,... Je pense que c'est encore plus grand que la Citadelle.  L'endroit grouille d'étudiants qui vont et viennent parmi les patients et le personnel.
Nous avons acheté pour midi un "dagobert" de bonne taille. Le pain était frais et le service d'une rapidité surprenante ! Pas le temps de sortir sa monnaie que la baguette était sur le comptoir. A notre arrivée vers 10 heures, les commerçants s'afféraient à prendre de l'avance si bien qu'une trentaine de ces baguettes n'attendaient plus qu'à être vendues et dévorées. Personnellement, je n'ai pas été mangé à la sauce quick ! Certes, le service d'imagerie était en pleine activité mais le personnel se montrait fort attentif et souriant. Un jeune médecin a pris le temps de répondre à mes questions. J'ai trouvé une très bonne qualité d'écoute.
Cet examen pour lequel il faut être à jeun se fait par injection d'un produit "légèrement" radioactif avant passage au Pet scanner. L'examen a pour but de vérifier l'évolution des cellules cancéreuses. La durée du passage dans le scanner est d'une trentaine de minutes. Ne pas bouger svp ! Le diagnostic suivra en milieu de semaine prochaine après ma cinquième chimio.
Voici les quelques anecdotes de la semaine. Nous avons été rendre la petite Citroën C3 chez le carrossier. Notre Golf, brillante comme un sous neuf, a troqué ses bosses à l'arrière contre de nouveaux éléments.  Mercredi vers 18 heures 30, j'ai été vérifier le niveau du mazout. On annonçait -9° pour la nuit. Bingo. Chaudière en panne ! Plus un litre dans la citerne. On s'est réveillé avec 11 degrés dans la chambre à coucher et 14° en bas. Ma journée s'est déroulée dans la cuisine, où j'avais installé un petit chauffage électrique. J'ai eu de grandes discussions avec Jean-Marc puis Marie-Claire.  Jean-Marc m'a apporté des BD. J'en ai lu 5 sur la journée ! Au niveau internet, je suis passé ce vendredi 25 février chez Skynet après tant de déboires chez Tiscali. Il était temps ! 

Dimanche 20 février 2005  "Rien n'est le fruit du hasard"

Pour la seconde année, Alain, Marie-Pierre et son mari, Rosalie s'envolent aujourd'hui avec leurs étudiants de l'Ecole Normale pour un voyage pédagogique au Sénégal, enseigner dans des écoles de brousse. Ils ont été mes collègues durant ces trois dernières années. J'ai adoré travailler en équipe avec eux. Nous étions tous passionnés par nos projets didactiques et pédagogiques. Les activités fonctionnelles que l'on voulait faire vivre aux étudiants avant qu'ils ne se rendent dans les classes d'école primaire étaient préparées longuement Les débats étaient riches, animés mais très intéressants. L'expérience de chacun et la complémentarité de l'équipe étaient de nets atouts lorsque nous échangions  avec les futurs instituteurs. En permanence, nous avions entre 65 et 80 étudiants de première année, tous âgés entre 18 et 40 ans ! A Theux, J'ai rencontré de nombreux étudiants très sympas et des collègues ouverts qui m'ont accueilli, écouté, pris en considération. Dans cette école Saint Roch, que je comparais souvent à un petit village d'irréductibles pour leur ténacité à survivre dans le paysage des hautes Ecoles, je me suis épanoui et j'ai beaucoup appris tant sur le plan humain, relationnel que pédagogique. Voici un souvenir étonnant parmi d'autres. Il dénote de l'esprit dan lequel s'accomplissait notre travail : la bonne humeur ! Chaque fois que la météo le permettait, nous nous rendions avec Alain (le pédagogue) à l'école en VTT. Notre sac à dos contenait une montagne : des habits de rechange (chemise, pantalon cravate, souliers, linge de corps), le nécessaire de toilette, le casse-croute  pour midi ainsi que notre matériel pédagogique (préparations, documents, livres,...).  Lorsque vers 7h50, on arrivait sur nos montures devant l'école, sous le regard médusé des étudiants les plus matinaux, on devait nous prendre pour des fous. Idem au moment du retour, après le débriefing traditionnel.
J'y ai vécu une expérience heureuse. Des journées formidables...

 Il y a déjà presque 3 mois que je suis à la maison et je ne m'ennuie pas. Des idées pour remplir mes journées, je peux en citer de nombreuses en réfléchissant un peu ! Rien que pour la rubrique "voyage"  en voici quelques unes : lire, peindre, sculpter, écrire, rêver, planter des fleurs et les regarder, observer les oiseaux, méditer, communiquer, rencontrer, visiter, se promener dans la neige, marcher au printemps sous le soleil dans une nature qui s'éveille, rouler en VTT le long de la Moselle, de la Meuse ou dans les bois, refaire un mini-trip à Anvers, Bruges, Paris, Rome, Florence, Grenade, ... se ressourcer à Bianzano qui est le village de mes grands-parents, passer une semaine en Sicile au soleil en famille, saluer Bernard à Kansas City, Willy me propose d'aller avec lui à Cuba, voler, voir la terre de l'espace,..... Je ne sais ce que je ferai tantôt ou demain ça n'a d'ailleurs aucune importance. Dans ma vie, j'ai toujours voulu faire,  encore faire, faire encore plus, toujours faire, avoir des nouvelles idées et les réaliser, des projets à concrétiser, ... 
Aujourd'hui, je vis hors du temps, le temps de prendre du recul, je vis dans l'instant. Tous mes projets se sont brutalement arrêtés, cela n'a pas été facile à admettre. Claudia Rainville nous dit que "Rien n'est le fruit du hasard. Tout à sa raison d'être. La situation créée, l'événement vécu était nécessaire sur la voie de notre évolution. Je découvris qu'une majorité des difficultés que nous rencontrons à l'âge adulte sont en résonance avec des situations émotionnelles non résolues de notre passé." En regardant par la fenêtre, au-dessus de mes pots de sables, je vois qu'il neige, tout est blanc. Assez d'ordinateur ! J'ai envie de lire... un peu de pédagogie "Donner du sens à l'école" et après ?     On verra !

Jeudi 17 février : "A nos femmes"

En général, nous n'avons pas de visiteurs à l'hôpital, ce qui est normal à cause des soins, de la fatigue,... Pas de visiteurs donc, sauf...  Nos épouses ou compagnes !  En 2 mois et 5 hospitalisations, j'ai "cohabité" avec autant de garçons différents, de milieux sociaux divers, d'âges variables. Chaque fois, à nos côtés, cette personne dont la présence est plus qu'un signe. Une présence inestimable. Dans ces moments difficiles, chacun des garçons que j'ai rencontré (puisque toutes les chambres sont doubles dans le service) peut lire au fond des yeux de sa moitié un message de vie. Paulo Coelho en parle dans  "Manuel du Guerrier de la Lumière". Voici ce qu'il écrit :  "Le guerrier sait que les mots les plus importants, dans toutes les langues, sont de petits mots. Oui. Amour. Dieu. Ce sont les mots qui vous viennent facilement et emplissent de gigantesques espaces vides."
Ce message de vie que je lis au fond des yeux de chaque épouse ou compagne, consiste bien en ces trois mots : OUI, je suis là, Oui, je t'aime encore plus et Oui, j'y crois. Tout simplement, merci !

Ma quatrième chimio a été la plus difficile sur le plan des effets secondaires. Maux de ventre durant la journée, température et vomissements à être plié en quatre dans les toilettes. Pas agréable ! De plus, durant la nuit, après une injection de cortisone pour faire retomber la fièvre, le bruit de l'air conditionné dans la chambre a perturbé mon sommeil. Aujourd'hui, cela va mieux ! J'ai encore reçu une injection pour les globules blancs. Je ne vous parle plus du prix!!! Une dernière citation de Xavier Chico. Elle dit ceci "Quand tu sors d'un long traitement pour recouvrer la santé, ne pense pas à la souffrance que tu as dû affronter, mais à la bénédiction de Dieu qui a permis la guérison. Emporte dans ta mémoire, pour le reste de ton existence, les choses positives qui ont surgi au milieu des difficultés" C'est mon état d'esprit actuel, même si je ne suis pas encore guéri. Bon courage à chacun face aux difficultés du quotidien.

Chimio 3 :    Du 1 au 13 février 2005

Dimanche 13 février : "Nos peurs"

Demain, chimio 4  et le 25 février premier contrôle au CHU ! Je reste à la Citadelle jusque mardi 13 heures. J'ai encore eu des courbatures, un mal de tête, mal au ventre et divers petits désagréments qui fragilisent. Les peurs s'installent et menacent donc mon intégrité morale et physique. Ce mental et la puissance des pensées me font douter aussi. Hier après-midi, j'ai eu une longue discussion avec ma voisine Marie-Claire dont je vous ai déjà parlé. Si vous cherchez une excellente thérapeute pour vous suivre, vous aider,... Elle est spécialiste en métamédecine (émotions) (et/ou kinésiologie). Je vous la recommande vivement ! Elle quittera bientôt son travail pour s'installer comme thérapeute. Je trouve qu'il en faut du courage pour quitter son emploi, ses revenus fixes, ses habitudes ,...  Déjà 11 ans de formation, de recherches, d'aide, de travail sur elle-même. Nous avons eu tous les deux,au même âge c'est à dire à 40 ans un cancer. Elle a toujours été présente lors de décisions, d'orientations, de réflexions depuis 1997, date d'une approche différente dans et pour ma vie. J'en profite pour la remercier. (087/22.41.50) En conclusion, on est tous remplis de peurs. L'idéal, c'est de faire confiance à ce que l'on ressent "Comment te sens-tu ?" "Qu'est-ce que tu ressens ?" Mettre des mots sur ses sentiments, tout un apprentissage.
Que dire de ces émotions qui peuvent conditionner la vie ? C'est en regardant le film Aviateur et  la première scène du film que je fais un parallèle avec ce que je vis. On y voit un enfant  dans une bassine remplie d'eau chaude. La lumière de cet intérieur donne une ambiance très intimiste. Sa maman le lave et lui explique que dehors, dans la ville on trouve choléra, typhus,...  Durant toute sa vie, la peur de ces maladies va devenir une phobie au point qu'il en devienne fou. La peur des microbes, conditionnée par sa maman dans son enfance, alimentée par lui, aura eu des conséquences sur son existence. Moi, ce sont d'autres peurs !  J'essaye de les accueillir en écrivant et notamment sous forme de roman.

Enfin, je vous livre le petit mot que j'ai écrit pour les enfants et les parents de l'école SFX2. Ils recevront ainsi de mes nouvelles.

1. Monsieur Dechêne, vous êtes absent de votre classe depuis 2 mois. Pouvez-vous nous donner de vos nouvelles?

En décembre dernier, après 3 mois de recherches infructueuses, j'ai appris que je souffrais d'une maladie de Hodgkin qui pour l'expliquer simplement est un cancer des ganglions . Le cancérologue m'a signalé que dans mon malheur, c'était le cancer qui se soignait le mieux. Il me donne 7 chances sur 10. La maladie est bien implantée dans mon corps. On la retrouve jusque dans la moelle. Le traitement que je dois suivre dure 8 mois. En tout, seize séances de chimiothérapie. Ce sont des produits que l'on m'injecte sous forme de baxters. Tous les 15 jours, les lundis, je dois aller à la Citadelle afin d'y recevoir ma chimio. Ca ne fait pas mal. Mais dans les jours qui suivent, j'ai de nombreux effets secondaires et une très grande fatigue m'envahit. Je dors alors comme un bébé, le matin, l'après-midi et la nuit ! A l'hôpital, j'ai rencontré une équipe formidable: médecins, infirmières, aides-soignantes,.... Des gens attentifs, souriants, professionnels et très patients. Actuellement, j'ai eu droit à 4 séances sur les 16 prévues.
Comment, je me porte ? D'abord, à l'annonce de ma maladie,j'ai pleuré, prié,pus j'ai parlé et échangé avec des personnes que j'aimais, en qui j'avais une grande confiance. Je me suis également fait aider pour essayer de comprendre pourquoi cette épreuve se trouvait sur ma route. J'ai trouvé des réponses qui me donnent une grande force, de l'espoir et des pistes pour ma vie d'homme. Mon moral actuellement est donc de 10/10 comme on dit à l'école. Mais, bien sûr, rien n'est simple et j'ai toujours beaucoup de peurs. J'essaye de les accueillir, ce n'est pas facile. Ma famille m'aide, elle est formidable avec moi.
J'ai donc une confiance dans la vie et encore de nombreux projets si Dieu le veut.
 

2. Nos enseignants ont lu vos témoignages sur votre site Internet. La maladie vous interpelle, remet en question des "évidences": le travail, la course après le temps...
Souhaitez-vous nous dire quelque chose qui vous tient à coeur ?
Oui, j'ai deux messages à partager:

Le premier message c'est que dans ma vie, j'ai toujours été très actif et j'ai eu la chance de rencontrer de nombreuses personnes. J'ai pu dès lors comme le dit Albert Jacquart "tisser des liens". Vous savez lors d'un décès, on ose parfois dire discrètement à la famille du défunt des sentiments qu'en temps normal, on n'oserai pas exprimer. Et Bien actuellement, j'ai la chance inouïe de recevoir ce cadeau. Peu de personnes ont cette chance ! On pense à moi, on prie pour moi, des personnes font un pèlerinage, font dire une messe, me font des dessins, me téléphonent, m'écrivent, me visitent, utilisent internet,... Chacun à sa manière! Il y a des personnes que j'avais oubliées qui se manifestent. J'ai compris que dans nos relations, ce n'est pas la quantité qui prime mais la qualité. Tous ces témoignages, ces pensées m'ont donné une force incroyable. Dès lors osez dire à vos amis que vous les aimez, que vous êtes heureux d'être réunis, que vous avez passé une bonne journée avec eux, votre joie des petits bonheurs partagés,..
Enfin, ce second message est lié à la chance de vivre dans un pays riche, où l'on peut être soigné.
Voici un exemple : mon médecin a constaté que j'avais trop peu de globules blancs. Je ne pouvais donc plus suivre ma chimiothérapie normalement car mon système immunitaire était trop faible. Une infirmière est venue me faire une piqûre afin d'augmenter mon taux de globules blancs. La seringue ne contenait que 6mg. Par curiosité, nous avons soulevé l'autocollant pour connaître le prix de ce produit.
Frottez-vous les yeux.... 1350 euros, soit plus de 200 euros du gramme. Chaque vie a un prix, je m'en rends compte,  mais là !!!  Et pour que je puisse vivre, on me soigne avec les toutes dernières techniques, les produits les mieux adaptés, les meilleurs spécialistes, ...  C'est incroyable ! Mon oncle qui revient d'un voyage au Rwanda m'a dit que le salaire d'un ouvrier pour une journée était de 1,10 euros. Vous calculerez rapidement qu'avec le prix de cette piqûre, on pouvait donner du travail à quelqu'un pendant trois ans. Nous sommes aussi dans un pays pauvre parce qu'on n'oublie parfois de communiquer. Pourtant, nous vivons à l'ère de la communication avec internet, la télévision, le GSM,... Communiquer, c'est s'exprimer, dire quelque chose mais aussi être entendu, écouté. Dans nos vie trépidantes, on court tellement qu'on en oublie parfois de communiquer. Je constate que mes enfants ne souhaitent pas toujours une réponse à leurs interrogations mais une écoute à leurs questions. Salomé nous dit aussi que la question d'un enfant peut être l'amorce d'une tentative, d'un échange. Aujourd'hui, lorsque je pense à ma maladie, je repense à mes émotions d'enfance qui sont liées à des croyances, des peurs, de la culpabilité,...  Adulte, en regardant en arrière, je sais que la clé de ce que je vis aujourd'hui se trouve dans la compréhension de ces émotions passées.

Parents, enfants, collègues et amis, je vous remercie d'avoir pris le temps de lire ces quelques lignes. Portez-vous bien et profitez vraiment de tous les petits bonheur du quotidien. Soyez heureux !

Christophe Dechêne Instituteur 6A
 

Jeudi 10 février : "Le corps dicte sa loi à l'esprit"

Depuis samedi, de vilaines  courbatures qui me faisaient penser à la grippe  sont venues me clouer au lit. J'ai de nouveau eu des peurs. Peur d'avoir la grippe avec toutes les conséquences sur mon état actuel. Ah ! Les peurs ! Je dois avoir plus confiance.  Ces sortes courbatures ont augmenté en intensité partout dans mon corps jusque mardi. C'était inquiétant ! J'ai compris mercredi qu'il s'agissait des effets secondaires de la piqûre pour augmenter mes globules blancs car j'avais de terribles maux de dos et principalement au niveau de la colonne vertébrale. Ce produit va dans la moelle et provoque donc des tiraillements dans les os.

je retrouve des petits cheveux qui sont tombés sur mon oreiller chaque jour. Un signe pour me préparer ...

Cette semaine Jean, un voisin cinéphile, est venu me livrer une cargaison de DVD. Je n'arrive pas encore à en regarder un jusqu'au bout. Fatigue quand tu nous tiens ! Georges est venu chercher mon VTT pour l'emmener à l'entretien. Ceci laisse augurer de projets futurs. Mardi soir, ma filleule Maud est venue souper avec sa famille. 16 ans ! Je les ai lâchement abandonnés après la fondue vigneronne et le tiramisu. Au dodo!  Mercredi midi, nous avions la visite de deux motards très sympas de Charleroi avec qui on a  cassé la croûte et comparé nos expériences professionnelles. Lorsque 4 instits se rencontrent, vous savez de quoi ils parlent... 

Le site Best of Verviers multiplie ses visiteurs.  Il est vrai qu'il est composé de deux sites maintenant. Au fond de moi-même, j'avais un petit projet au départ pour me faire plaisir, faire de belles photos et mieux faire connaître Verviers.  Maintenant, les sollicitations deviennent plus importantes, le site prend de l'ampleur. Par exemple, hier soir, la responsable de Sudradio m'a demandé d'être son invité dans l'émission de midi "Rencontre". A un moment de ma vie où je vis au ralenti, où c'est mon corps qui dicte sa loi et non l'esprit, je me pose des questions : Internet, le site, le temps consacré à celui-ci, la notion de plaisir et de dépendance, quelle utilité...   J'ai résilié mon abonnement Tiscali adsl pour le 20 février. Christophe et ses enfants sans internet, on verra pour combien de temps.

Ma famille : Lola 13 ans, Christophe 40 ans, Evelyne et Jonas 15 ans

Dimanche 6 février : "Un pays riche"

A plus de septante ans, mon oncle Angelo est parti la semaine dernière faire un voyage de "consultance" pour son ancien patron, la firme J. , entreprise de travaux publics, principalement construction des routes. Son patron tient en haute estime mon oncle et ne laisse pas passer l'occasion de lui demander son avis. Il fallait voir si l'on pouvait ouvrir une carrière et  mettre en marche des chantiers. A l'analyse des photos sur ordinateur, Zio (oncle en italien) confirma que le site semblait propice à une activité d'extraction des roches. Il ne restait plus qu'à se rendre sur place. Ce qui fut fait quelques semaines plus tard.

A cet endroit les gens se déplacent énormément à pied le long des routes principales. On en croise sans arrêt lorsque l'on roule en jeep . Personne ne fait du stop, pourtant, tous ces marcheurs transportent des sacs, des paquets,...  Beaucoup d'entre eux courent, le matin, car le sport est important. Les petits enfants, font la course avec la jeep, même sur les cailloux, pour voir combien de temps ils vont suivre le véhicule. Mais la caractéristique qui a le plus frappé mon oncle Angelo, c'est le sourire partout. Un matin, levé de très bonne heure, il part se promener. Un homme en voiture et ses trois filles lui font bonjour de la main. Il leur répond par un geste et un sourire amusé. La voiture freine, fait demi tour et chacun descend pour lui serrer la main afin de lui dire bonjour. La pays est vert. C'est le pays des collines. La terre est rouge. Il fait chaud. Mon oncle, le visage rond comme un soleil, d'allure costaude et au regard bon comme le miel est rapidement bronzé pourtant il est resté à l'ombre. C'est vrai qu'il est né en Italie et n'est venu en Belgique que pour trouver du travail il y a plus de 50 ans. Le lieu qu'il visite, le pays où il se trouve, c'est le Rwanda.

Vous vous souvenez du prix de ma piqûre globules blancs de mercredi ? 1350 euros... Ici, le salaire journalier d'un ouvrier est de 1,10 euros. De quoi engager quelqu'un durant plus de trois ans. Pour moi tous ces sourires ont changé mon oncle. Sa femme dit de lui qu'il a rajeuni de 20 ou 30 ans. Comme quoi, la recette pour rester jeune se trouve dans le coeur, sur le visage, dans les relations sociales, les échanges, les choses simples.

J'y pense beaucoup car depuis lundi, je dors, je dors, je dors. J'ai l'impression de ne rien faire de ma semaine. Enfin, après 5 jours, , Je me suis levé samedi matin en meilleure forme. Le soleil montrait le bout de son nez. Le soir, je me suis couché en croyant que j'avais la grippe. Une balade de 30 minutes m'avait suffit et épuisé.  En me relevant du lit,  j'ai eu des légères pertes d'équilibre, un peu de courbatures. J'ai donc pris un Dafalgan et accueilli mes peurs de poursuivre le reste de la semaine à la Citadelle pour soin de grippe. La nuit a été bonne. Il faut dire que je dors sous Loramet. Ce n'est pas ma maîtresse, mais un inducteur de sommeil. Ce dimanche matin, après l'écriture et le déjeuner, je me remets au lit. L'après-midi, c'est le sommeil qui m'emporte encore pourtant, le soleil m'invite à prendre l'ai. Les symptômes ne sont pas plus forts.

Je retourne à mes pensées, aux sourires de tous ces gens en rêvant de l'Afrique. C'est la première fois !

Jeudi 3 février : "Le prix d'une vie"

Hier soir, Nathalie ma voisine est venue me faire la piqûre, amenée de la Citadelle par Mary,  pour augmenter mes globules blancs. La seringue ne contenait que 6mg. (C'est ce qui est indiqué sur la boîte, moi en tant que prof j'aurai pensé à des ml !) Par curiosité, nous avons soulevé l'autocollant pour connaître le prix de ce produit.

Frottez-vous les yeux.... 1350 euros, soit plus de 200 euros du gramme. Chaque vie a un prix, je m'en rends compte,  mais là !!!  Et pour que je puisse vivre, on me soigne avec les toutes dernières techniques, les produits les mieux adaptés, les meilleurs spécialistes, ...  C'est incroyable !

Mardi 1 février : "D'abord, vivre !"

De retour à la maison, je suis de nouveau très content. Autant que la fois dernière. Retrouver son chez soi, son confort, l'espace, les couleurs qui manquent à l'hôpital. Tous ces petits bonheurs comme redécouvrir sa chambre à coucher, la belle housse d'édredon, se faire un thé exotique avec de la cannelle et du miel liquide, manger un morceau de gâteau au chocolat,... Puis, lire son courrier, répondre à l'ordinateur, recevoir quelques coups de téléphone, c'est un secrétariat de bienheureux. Enfin, déguster le bon repas d'Evelyne, c'est pas la bouffe de la Citadelle ! Pour finir par tomber dans les bras de Morphée.

La pose sous la peau d'un petit boîtier était à l'ordre du jour hier lundi. Son but est de permettre de piquer dans cette boîte plutôt que dans les veines avec tous les désagréments qui s'en suivent. Pour cela, je devais envisager une anesthésie locale ou totale. Les infirmières, amis me proposaient une locale dans leurs réflexions. En pensant à la locale, j'avais peur du bruit : de la peau que l'on coupe sous le scalpel. Ce même bruit que j'avais entendu il y a un mois lors du prélèvement biopsie du foie. Brrr... ! J'avais peur de voir ce qu'on me faisait, les yeux ouverts et trop conscient. Voici les peurs qui me reviennent alors que je ne veux plus en être trop dépendant. J'ai essayé de les accepter. j'ai pensé à deux de mes amis Jean-Pierre et toutes nos randonnées qui a toujours le moral  et Michel, un grand fort gars fidèle en amitié qui m' a envoyé par SMS un message qui arrivait à point "Ma force sera avec toi." Ca fait très  "Guerre des étoiles" mais j'ai eu du courage en plus. Le lundi matin, je n'ai rencontré ni anesthésiste, ni chirurgien pour choisir le type d'opération. J'ai appris en salle d'opération que je n'avais pas le choix avec l'anesthésiste: c'était une totale. Trois jours de peurs pour rien, ça m'apprendra à avoir plus confiance dans la vie. Je suis resté à jeun depuis le soir et après l'anesthésie de quinze heures à dix-huit heures. J'avais une envie terrible de manger. J'ai énuméré à Evelyne tous les plats que j'aimais. Il y en a : raclette, fondue vigneronne, pizzas, moules, forêt noire, ... Je ne pourrai manger que les deux derniers après la chimio. Bactéries obligent !

La troisième chimio est passée comme une lettre à la poste. Je vais dormir plus cette semaine et affronter de nouveau les effets secondaires. C'est ma vie maintenant. J'ai des médicaments pour m'aider à franchir ces difficultés.

Le chirurgien m'a dit que le fait de la disparition presque totale de mes démangeaisons, que j'ai depuis 3 ans et demi, était un bon signe. Acceptons-en l'augure. Côté technique, la maladie est bien implantée, dans les ganglions et dans la moelle également. La chimio, elle, attaque mon système immunitaire. J'ai donc trop peu de globules blancs. Demain, on me fera une piqûre d'un produit faisant augmenter le taux de ceux-ci. Je risque également des effets secondaires comme des tiraillements dans les os. C'est un passage nécessaire pour affronter la suite du traitement chimiothérapie dans la durée.

J'ai eu la chance d'avoir Manu comme partenaire de chambrée ce mardi. A la fois médecin et enseignant, très sympa mais en rechute d'un cancer. Très réaliste, courageux, qui sait de quoi il parle, il affronte ses peurs, les statistiques moins positives de survie. Lorsque je lui ai demandé s'il n'avait pas envisagé de changer de métier, de vie, il a eu cette phrase qui m'a fait réfléchir : "Je pense d'abord à vivre". Elle m'a fait prendre conscience que je suis déjà dans un processus de réflexion sur ma vie, sur la suite de celle-ci,... J'ai de la chance.

Chimio 2 :    Du  18 janvier au 13 février

Vendredi 28 janvier

J' entre dimanche soir à la Citadelle et lundi on m'opère pour le placement d'un cathéter sous la peau au niveau du torse. Je dois encore choisir entre une anesthésie totale ou locale. Je recevrai également ma troisième chimio. La durée de mon hospitalisation n'est pas connue. Les effets secondaires sont toujours présents mais c'est plus supportable qu'il y a trois jours.

Mardi 25 janvier   "Ma maladie"

J'ai téléchargé une vieille chanson des Kinks sur internet : "Sunny afternoon" que j'écoute en écrivant. Aujourd'hui, il neige et j'entends les Kinks chanter  "in the summer time". Moi qui aime la neige mais aussi le soleil, je suis comblé. D'ailleurs celui-ci vient de faire son apparition comme pour me faire un petit bonjour. Assis à mon ordinateur, je contemple le jardin dès que je lève la tête . Cette neige qui recouvre tout  réveille en moi des souvenirs d'enfance. Les joies du traîneau, les glissades dans la cour de récréation,... Durant des heures, on descendait la prairie  derrière  la rue Florent Becker. Ensuite, je rentrais boire un cacao chaud et remiser le traîneau à la cave. La vitesse, la liberté, se rouler dans la neige pour remonter la pente avant de redescendre assis  ou sur le ventre, faire des tremplins. Cette neige qui a fait de mon réveil, ce matin, une course à l'habillement.
Evelyne pressait Jonas et Lola pour partir plus tôt car il y a moins de monde sur les routes. Je la sais nerveuse car elle n'aime pas la neige sur les routes. Je me suis habillé à toute vitesse, les yeux fermés pour préserver quelques minutes encore d'un demi-sommeil  et j'ai été les conduire. Ce n'est que dans la voiture que j'ai vigoureusement frotté ceux-ci pour qu'ils soient bien ouverts. Etant en chemin, j'en ai profité pour passer à l'auto sécurité où j'ai obtenu mon premier carton rouge. Deux pneus "neige" étaient montés à l'envers. Je suis plus en sécurité maintenant. Tant mieux ! Hier soir je suis allé à mon atelier de sculpture sur bronze. Je façonne un garçon en position de méditation. Il est encore loin d'être terminé mais  je poursuivrai lundi dans 15 jours car lundi prochain, ce sera ma 3ième chimio et opération pour pose d'un cathéter sous la peau.
Cette semaine, les effets secondaires sont importants. Jusqu'aujourd'hui mon estomac,mes intestins, tout mon ventre crie, grince, grimace, se contorsionne,... Ma langue brûle, chauffe,demande des apaisements,... ma bouche idem ! Je dois apprivoiser cette maladie et son traitement. Je suis en phase d'apprentissage comme toute personne dépourvue d'expérience qui rentre dans une nouvelle activité. Cette chimio est nécessaire. Elle est là pour lutter car mon corps  avait de plus en plus difficile de stopper  le mal. Depuis août, j'ai nié cette maladie qui était tellement présente. Elle avait commencé, avec beaucoup de certitudes, bien avant peut-être depuis 3 ans et demi. C'est à cette époque que j'ai commencé mes démangeaisons, symptôme principal de la maladie. Nous étions en mai 2001 !!!

A cette époque, j'étais à fond dans la course à pied, dans mes projets pédagogiques BCD et ses 10 000 documents encodés, dans les cours de guitare, dans les travaux de la maison,....  Une vie dévorante de défis, de luttes, de compétitions,... Le temps passait et plus il passait plus je me grattais, plus je me coupais les ongles au plus près de la chair pour ne pas laisser trop de marques sur mes jambes, mes bras, mon ventre,... Des plaies sur une peau devenue dure à force de la gratter, de l'irriter, de l'enflammer. Durant ces trois ans, trois spécialistes n'ont rien vu, qui n'ont pas fait le lien entre les symptômes et cette maladie de Hodgkin. Durant deux ans, j'ai été traité pour mes allergies, pour mon foie, pour mes défenses immunitaires au niveau de rééquilibration sur les points d'acuponcture. J'entends encore ce thérapeute me dire que mon corps n'a pas besoin d'aide : style opération, chimiothérapie,... Au verdict ma maladie est tellement bien implantée qu'elle se trouve actuellement dans la moelle osseuse. J'ai 70chance %, c'est loin de 100%. Dire qu'il a fallu que ma collègue Adèle me sorte de mon trou pour m'obliger à regarder la vérité en face, à prendre congé de ma classe. Arrêter de se voiler la face, tellement j'étais marqué sur le visage et dans mon corps ! Dire qu'il a fallu que je rencontre le docteur Di Valentin à cause de mes hémorroïdes et de perte de sommeil pour qu'il investigue, pousse les recherches jusqu'à ne pas dîner un jour midi, demande l'avis d'un hématologue et d'autres spécialiste. J'étais au bout et je voulais continuer. Tout allait bien, je pouvais le faire, je pouvais continuer. Après 2 semaines de maladie, le médecin traitant m'a directement prolongé de trois semaines. j'en étais tout retourné. De toute façon, j'étais certain de reprendre en janvier. Le 22 décembre date du 15ième anniversaire de Jonas et de l'annonce de la découverte de ma maladie restera en moi comme une date qui marque le début d'une nouvelle période. Un moment très difficile à passer pour moi et ma famille. Par après, j'ai su que le Christophe nouveau arrivait. Pas mieux ou moins bien mais différent. Je ne peux plus avoir le même regard sur la vie, sur les personnes, sur les choses. C'est ainsi, c'est mon épreuve et chacun porte la sienne. Je vous encourage tous dans votre quotidien et je pense car j'ai du temps à vous et à l'instant présent. Je ferme les yeux et je souris, malgré ce ventre qui m'embête. 

 

Dimanche 23 janvier  : "Tisser des liens"

Hier samedi à Liège, j'ai rencontré mes amis Christophe de Mouscron,  Dominique de Herve et Philippe de Lessines. Nous étions réunis toute la journée avec Jocelyne, Muriel, Jacqueline, Cathy, Ce fut une journée formidable. C'est un bonheur lorsqu'on retrouve ses amis. La journée fut belle et j'ai bien tenu le coup. Le soir à 18 h00 nous avons été en famille manger une raclette chez Mary , ma soeur,. Un délice. Je me suis offert une folie. Deux petits verres de vin blanc. Francis a l'art de dénicher des bouteilles qui vous laissent dans le palais un goût  extraordinaire. Le bonheur est dans le verre, dans le repas, autour du repas, dans l'amitié, dans les échanges. Il est cependant vrai que je traîne des maux dans la bouche depuis la seconde chimio. Cela fait partie des effets secondaires. Je me soigne mais cela reste fort gênant. C'est la vie !

Ce dimanche matin, j'ai été écouter l'orchestre de ma fille Lola à la messe de Ste Julienne. Un orchestre plus chorale composé uniquement de jeunes et d'adultes accompagnateurs. Pour un père, c'est touchant de voir ses enfants maîtriser par exemple une flûte traversière au sein d'un groupe. Chacun a sa place dans l'ensemble et quelque chose de merveilleux se produit. Ici, c'est l'art, la musique qui donne la joie, la paix,...

"Pour devenir moi, j’ai besoin du regard de l'autre ; j'ai besoin de tisser des liens avec lui.  Dès que je suis en compétition avec autrui, je ne tisse plus de liens" me disait Jacquard
"Mais ces hommes communiquent les uns avec les autres, ils mettent en commun, ils créent quelque chose qui est supérieur à eux par leurs liens, par leurs mises en commun ; par leurs échanges, ils sont plus qu'eux-mêmes.  Et, au fond, c'est toute la réalité de notre univers.
Chaque fois que l'on assemble, on fait apparaître autre chose, on fait apparaître de l'inattendu.  Eh bien, quand on assemble des hommes, quelque chose de nouveau apparaît.  Le mot chose n'est pas bon d'ailleurs, mais c'est comme ça que j'interprète une phrase de l'évangile, extraordinaire : « Lorsque vous serez plusieurs, je serai parmi vous'. » Le Christ dit ça à ses apôtres, je crois, après la Pentecôte.  C'est vrai.  Lorsque nous sommes plusieurs, quelque chose d'autre apparaît."

Jeudi 20 janvier.

Les effets secondaires débarquent : nausées et problèmes au niveau de la bouche. Je me rends compte que c'est plus une lutte qu'une partie de plaisir qui m'attend durant ces 8 mois de chimio, c'est sur la durée qu'il faut tenir. Je peux compenser les nausées par des médicaments.  Je fais des bains de bouche mais je perds la notion de goût. Hier par exemple, la purée était fade. Dès que je remange, je sens une grande sensibilité qu niveau de la langue. Pas agréable ! Enfin, voici deux chimios passées. Il y a un mois, je ne savais toujours pas ce que j'avais. J'avance vers la guérison !  Ce matin, j'ai été réveillé par un amical coup de téléphone auquel ont succédé deux autres. Ma journée a été ponctuée par des émail, des SMS, des visites, des lettres,... Encore merci pour toutes ces marques de sympathie. Après-midi, j'ai fait une petite balade d'une heure jusqu'au bois du Faweux mais j'ai ramassé la pluie. Le sentiers sont très boueux.  

18 janvier : "Les messages du corps et des amis"

Deux jours avant d'entrer à la Citadelle, j'avais peur de la piqûre pour le placement du cathéter. Je pensais à tous ces enfants atteints de leucémie et qui ne veulent plus se faire soigner par peur de la piqûre. Personnellement, lors de la première chimio, les infirmières ont dû faire 4 essais dont un, dans un nerf avant de réussir à placer le cathéter! J'ai donc remis mes peurs à mes prières puis  j'en ai fait part à la responsable du service. Elle m'a désigné "une piqueuse professionnelle" (c'est son expression). Je n'ai rien senti !

Le matin prise de sang (ok) et radio  des poumons. Un infirmier est venu chercher plusieurs patients pour se rendre à la radio. C'est là que j'ai fait deux  rencontres.
D'abord, la connaissance d'un jeune garçon d'une vingtaine d'années, tout sourire, Il est plus gravement atteint que moi. Un cancer des testicules et du colon. Il avait un excellent moral, beaucoup de bonne humeur et un espoir dans la parole des médecins : "Tu vas guérir". Il me disait qu'il aimait l'ordinateur : le jeu Counter Strike et les messages MSN. Le problème, c'est qu'il s'endormait sur son clavier après 10 minutes et se réveillait avec "azerty" sur le front.
Ensuite un monsieur plus âgé qui n'arrêtait pas de dire "c'est triste quand je vous vois". Je lui demandais pourquoi. Et lui de s'étonner : "Mais vous êtes jeunes, regardez ce que vous avez. Vous êtes soignés en salle des cancéreux, c'est triste. Moi j'ai 85 ans et je viens pour un petit traitement". Je lui répondais que c'était comme ça et qu'on ne pouvait rien changer.
Intérieurement, j'ai pensé que si la maladie était là c'est que mon corps voulait me faire comprendre quelque chose que je n'avais pas encore compris. Plus je m'enfermais dans mes habitudes journalières, dans ma vie de tous les jours sans rien changer, plus le message du corps devenait important et fort. Ce cancer m'a fait  comprendre bien des choses sur moi. Une réflexion très utile pour ma vie future.

La chimio s'est bien déroulée. Pas de fièvre. Mardi après-midi, de retour à la maison, j'ai directement été dormir dans mon lit. Un plaisir ! Cette semaine, je vais encore beaucoup dormir. C'est le symptôme numéro un de ce traitement.
Je reçois toujours de nombreux coups de fil, lettres, cartes, témoignages, SMS, émails,... de nouvelles personnes ou d'amis et connaissances qui continuent de se manifester. J'ai une pensée pour chacun que je remercie vivement chaque jour qui passe. Comme un petit enfant de 2 ans qui aiment qu'on lui répète tous les noms et prénoms de son entourage, moi j'ai la chance d'avoir une longue liste de personnes à répéter. Je remercie Dieu d'être entouré de gens qui sont vrais  et attentionnés à mon égard.

 

CHIMIO 1        Du lundi 4 janvier au 17 janvier

Samedi 15 janvier

Hier, j'ai été marcher avec ma collègue Geneviève "autour" de Membach, sur les hauteurs, en plein soleil. Une superbe balade. En face de l'église monter le chemin jusque sur la crête. Prendre à droite jusqu'à la grand route d'Eupen. Y marcher 50m puis directement à droite; Suivre ce chemin et monter deux petites côtes. Reprendre à droite en direction de la chapelle et le tour est joué.  Merci Herbert pour l'idée.

 

Mon ami Bernard Maréchal a envoyé l'adresse internet avec les premières photos des USA. C'est à voir ! Je pense qu'il va s'inscrire sur le site dans Verviétois du bout du monde. J'étais heureux de le voir en grande forme.

J'ai reçu deux Cd en cadeau. Un de l'hôpital avec les images du scanner. Bof ! Je ne vais pas le regarder. L'autre extraordinaire, le premier d'une longue série, du groupe de Sylvain (mon collègue)"Fous d'vos socketes". Un groupe folk qui anime des soirées endiablées. Il est à conseiller tellement il est mélodieux et je ne résiste pas de vous livrer le mot qui l'accompagnait Merci à Sylvain

"As-tu encore faim après avoir fait la fortune des industries chimiques ? Remarque que nous sommes fort pareils, il n'y a qu'à lire les étiquettes  des produits qui se retrouvent dans nos assiettes. Voici pourquoi je te propose une autre thérapie (beaucoup plus efficace bien sûr). Ca s'appelle  la "Fou d'vos Soketothérapie". Ca se base sur le principe qu'on n'est pas sourd. Tu places le petit machin rond dans une machine commune, tu mets le volume moyen et tu te laisses bercer par le produit qui se répand dans la pièce (c'est un peu comme un aérosol mais c'est auditif) Et surtout si tu entends de fausses notes, dis-toi bien que cela ne peut venir que de ta sono"

Lundi seconde chimio, c'est parti jusqu'en août tous les 15 jours. Merci à chacun pour ses pensées, visites et messages.

Mardi 11 janvier 2005

Ce matin, je me suis fait couper les cheveux très courts afin de prévenir la chute des cheveux. C'est ma voisine Jacqueline qui fait office de coiffeuse.

Cet après-midi, nous avons été nous promener avec Evelyne le long de la Warche à Malmedy. Une heure de bonheur. La température clémente de ces 2 derniers jours m'invite à sortir. Hier après une excellente nuit, la meilleure depuis deux mois et une bonne sieste, j'ai été au cours de sculpture sur bronze. Très heureux mais fort fatigué. Merci pour vos messages de sympathie qui m'encouragent sans arrêt.

 

Mercredi et jeudi je suis resté à la maison. J'écris une histoire. C'est peut être le début d'un roman; j'ai du temps devant moi. Cependant, je ne sais toujours pas lire plus de trois pages (fatigue). De nombreuses visites, cartes postales, émails et coups de téléphone rythment mes journées. Jeudi après-midi, j'ai été chez Marie-Claire ma voisine pour une séance de Kinésio. Nous avons fait un excellent travail. 

Vendredi 7 janvier 2005

Bonjour à chacun,

Je vous témoigne comme quoi chacun possède une force en lui qui est décuplée par les amis, connaissances, la famille. Les messages, prières, pensées, écoute constitue un trésor que l'on doit partager.
Dans ma vie quotidienne je l'ai régulièrement oublié mais je sais  aujourd'hui le pouvoir de cet amour. Partagez-le !


Vendredi 7 janvier est un jour heureux pour moi ! Je retrouve ma famille, ma maison .
J'ai passé le cap de la première chimio qui a consisté en 4 baxters injectés sous forme liquide.
Le tout ne prend pas plus d'une heure quinze. L'injection s'est bien  déroulée.
La première nuit, j'ai fait de la fièvre et l'on m'a traité sous cortisone.
Le symptôme le plus frappant, c'est la très grande fatigue qui m'habite continuellement, jour et nuit. Cela durera durant les plus beaux mois de l'année. Je repense au film "Alexandre le bienheureux" qui dormait toute la journée. Je pourrais dire que mes racines italiennes me rattrapent et que sieste et farniente seront mon lot quotidien. J'ai été relié à un petit "porte-manteaux" à roulettes qui transportait mes baxters durant les 5 jours d'hospitalisation. On doit boit beaucoup et on injecte des litres et des litres d'eau pour nettoyer le corps des cellules cancéreuses et autres.
Toutes les 75 minutes, jours et nuits, j'emmenais mon compagnon à la toilette.

C'est un vrai handicap. Aujourd'hui, je vis sans, je suis le plus heureux des hommes comme quoi peu de choses suffisent à mon bonheur. Avaler de nombreux cachets, faire des bains de bouche, soigner les
cicatrices des opérations, manger, dormir, pisser !!!
Se laver avec des tuyaux qui pénètrent dans le bras, bonjour le cirque.
Le personnel soignant de la salle des cancéreux est extraordinaire,  souriant, attentif et patient. J'ai de la chance d'être soigné en Belgique. Chez ma belle soeur en Angleterre, il y aurait eu au moins six mois d'attente.
Je retourne le 17 janvier à la citadelle pour la deuxième cure.

La nature est très bonne pour moi. J'ai droit de me promener, un peu de VTT ??? mais je ne devrai raisonnablement plus embrasser personne ou se laver les mains lorsqu'on serre la main d'un autre.
Le danger résidant dans les virus, rhume, et autres saloperies qui passent. Avec un système immunitaire faible, je risque de ramasser tout et cela prend plus d'ampleur. Exemples : la boulimie de chocolat, une nausée de DVD, ...
J'ai une pensée pour chacun d'entre vous.

Portez-vous bien et prenez le temps dès que vous pouvez.
Amitiés
Christophe

12 janvier

Avant ma chimio

Le 1 janvier 2005

Bonjour à tout le monde,

D'abord une excellente année et beaucoup de joie dans votre vie et en famille.
Quelques nouvelles qui conditionneront les temps à venir.
Nous avons fêté le nouvel an avec Evelyne à la maison. Lola allait faire du baby sitting chez ma soeur, Jonas servait dans un café. Une première comme jobiste.
Avec Evelyne, nous avons passé l'an neuf à deux. C'était une première réussie, de plus j'étais très fatigué de mon séjour Citadelien. La soeur d'Evelyne est de retour depuis le 29 avec sa famille. C'est une coutume. Les anglais sont donc de retour ! Ce midi nous mangeons aussi une bonne choucroute avec la pièce sous l'assiette. L'autre soeur d'Evelyne, Patricia, sera présente pour le repas de l'an neuf comme chaque année.

Cette semaine j'ai passé d'innombrables tests: poumons (j'ai un ganglion mais je le savais), électrocardiogramme ok, capacité pulmonaire, prise de moelle osseuse anesthésie partielle, prélèvement de ganglion anesthésie totale,...

Le verdict :
Je peux faire de la marche et du vtt mais sans excès et surtout sans refroidissement: Youpie.
J'ai un an et quelques mois pour profiter de cette bonne nouvelle, car je deviens promeneur et vttiste professionnel, durant ce temps ainsi que peintre, lecteur, rêveur, chanteur, siesteur, rieur, aventurier..
Ma chimio va durer 8 mois plus 4 à 6 mois de récupération.
Le cancer est déjà bien avancé d'où la durée. C'est un Hodgkin qui se guérit normalement bien.
Il se soigne ici suivant le stade avec 70 % de succès. J'ai de nombreux médicaments à prendre. Moi qui n'aime pas ça je suis servi

Mon moral est fort bon et ma devise est de vivre l'instant présent sans prendre les soucis, les peurs, les tracas.
J'ai eu assez de peurs depuis août et cela m'a stressé fortement mais c'est naturel. Je commence ma première chimio lundi et cela suivra tous les 15 jours.
Au début en hôpital avec hospitalisation quelques jours et puis en hôpital de jour. On est mal deux jours paraît-il et très fatigué.

Je reçois d'innombrables messages, lettres, coups de téléphone qui m'assurent une fondation solide pour ce long voyage. C'est un trésor inestimable pour moi car l'amour de mes proches et l'amitié sont plus forts que tout. Je pars donc serein dans cette nouvelle aventure et confiant dans la vie

Que 2005 débute dans la choucroute et dans la joie. Soyez heureux et je pense à vous
Christophe
 

Le 26/12/2004

Cher ami,
Je rentre mardi à La Citadelle et mercredi on m'enlève un ganglion pour analyse. Les médecins pensent à une maladie des Ganglions (lymphome) et la "bonne" nouvelle, c'est que pour les "cancers mous" il n'y a pas de métastases. Si l'analyse montre bien ce qu'ils pensent, je devrai suivre une chimiothérapie de 4 à 6 mois. Le taux de guérison serait de 99 % dans le cas de la maladie de Hodgkin. Je suis plus serein que depuis août car enfin, je sais quel mal me tenaille.
Je ne pense plus trop car cela m'a joué de trop mauvais tours. Je vis au jour le jour.
Le stress est peut être un facteur déclenchant ?
Evelyne m'aide très bien ainsi que ma famille et des mots comme les tiens m'encouragent à lutter de toutes mes forces.
 

Le 22/12/2004

Chers amis,
Voici des nouvelles de mes nombreux examens : échographie, scanner, biopsies, prises de sang,....
Je les ai reçues ce jour à 17h00 de mon médecin traitant. J'ai divers ganglions à l'abdomen et ventre de tailles allant de 4 cm à 2 cm. Je vais en consultation d'urgence demain à la Citadelle pour voir quel sera le traitement approprié et analyser le mal.
Un ponction pour déterminer la nature de la maladie ?
Ce serait une maladie du sang qui nécessiterait dans le cas le plus important mais probable une chimiothérapie.
Les chances de traitement de la maladie sont positives. Je garde un moral après avoir accusé le coup.
Vos pensées et autres seront pour moi un réel réconfort.
Merci
Christophe

Août 2005, Mercis

A ma famille : A ma femme Evelyne qui a été extraordinaire, je ne peux qu'être émerveillé. Sans elle, je ne serais jamais arrivé là où je suis. Elle m'a donné tous les jours la plus belle preuve d'amour qu'il me soit donné de voir. A mes merveilleux enfants qui ont été le moteur principal de ma guérison. A Mary, ma soeur qui tous les jours a téléphoné, m'a conduit à la Citadelle, a emmené mes enfants en vacances,.... A Francis pour nos concerts extraordinaires et tout le reste. A Béné, mon autre soeur qui attend son troisième enfant. Elle qui tout au long de mon épreuve m'a épaté par sa force et sa joie de vivre. A Pilou pour sa gentillesse de tous les instants. A mes parents qui ont eu la frayeur de leur vie et qui ont tout de même accepté de vivre leur projet vers Compostelle à vélo. A eux qui ont eu à digérer le regard critique que leur fils a porté sur ses années de l'enfance à l'âge adulte. Ils ont cheminé avec moi dans le plus grand respect. A ma tante Aimée pour ses coups de fils fréquents et chaleureux et Louis, à Zio et Zia pour leurs visites, A Thérèse et Roland mes tantes et oncles, cousins et cousines Gio, Gina, Maria, Colette, Bruno, Mario, Umberto, Pierrot, . A Agathe qui a brûlé tant de cierges et de prières. A Alfred, Nicole et Hannelore qui de Dortmund m'ont accompagné sur le chemin de l'espoir. A Patricia, Irène, Sylvie, et Matthieu mes fidèles parmi les fidèles toujours présents. A Mariane et sa famille qui d'Angleterre n'ont pas ménagé leurs coups de téléphone, émails pour me soutenir. Mes neveux et nièces : Sam, Emily, Oli, Victoria, Julia, Sam, Léo et le petit. Malou et Stéphan. A mes grands-parents toujours présents.

Aux proches (dans le désordre et avec bien des oublis certainement) : D'abord à Willy et Colette, je ne pourrai jamais vous rendre la moitié de ce que vous avez fait sans compter. Si je suis vivant, vous en êtes artisans. Michel mon ami, ta force a été avec moi, tu es un chef extraordinaire, un futur inspecteur j'espère. Merci pour tout ! Gene, souvent à mes côtés pour des balades et des discussions. Marie-Claire, pour tes bons conseils depuis 1997 et ta présence aux bons moments ainsi que Georges et tes enfants. A Jean-Paul qui par des visites, les tours VTT, les vacances avec Jonas m'a permis de garder ma force tant physique que morale. A Gio, mon cousin et partenaire de marathon. Nos discussions analytiques et philosophiques m'ont permis de garder une grande sérénité mais m'ont aussi permis d'avoir un nouveau projet durant ces huit mois. A Dominique J. pour son ouverture, ses peintures et les discussions profondes sur l'être. A Dominique C. qui m'a porté dans mes projets de formation pour que je puisse continuer à être. A Georges et Patrick et leurs épouses pour leur présence et les éclats de rire. A Yves S. et nos tours de la Gileppe à VTT. A Jean-Pierre pour nos balades et ton moral d'acier. Toi avec qui j'aime découvrir les chemins du GR, toi à qui j'ai jeté un pavé en pleine figure le jour où je t'ai annoncé ma maladie. Toi qui m'a écouté et soutenu avec Myriam merci. A Philippe D. pour les travaux qu'il est venu faire lorsque les forces me manquaient. A Françoise et Marc pour tous ces papiers de la mutuelle et vos nombreuses marques d'attention. Au docteur Di Valentin qui m'a sauvé en m'envoyant faire les tests à la Citadelle. Au docteur De Prijck qui a su trouver les mots et le bon traitement.  A l'équipe des médecins, infirmières de la Citadelle. A Mon médecin traitant. Que de compétences et de patience. A Bernard S. pour la découverte du petit resto sympa et de notre discussion.  A Bernard M. pour m'avoir fait rêver des grands espaces américains et de la vie des américains moyens. A Fernand pour le rappel de ma vie d'enfant. A Luc C. et ton épouse, tes conseils afin de mieux vivre le cancer et que ta musique est agréable. A H et M, on se connaît depuis si longtemps. A Mme Debaar qui sait. A Sylviane, championne des émails et sa famille. A José L pour son attention de tous les instants. A Jean-François H. pour notre concert intimiste à la guitare et le reste. A Jeannot D. et Jojo mes profs de guitare. A Thierry et Freddy mes profs de bronze. A Joël et Jacqueline pour leur présence régulière et tous les bouquins. A Jean W. pour les pizzas extraordinaires, la musique, les dvd, les plantes. A Marc T. et son épouse, dévoué du FC Heusy. A chacun de mes collègues et ex-collègues de Sainte Marie, Sainte Claire, SFX2 primaire et secondaire, de l'Ecole normale Saint Roch, SFX1, l'équipe de formation, les inspecteurs, ainsi que tous mes élèves, ex-élèves et étudiants, j'ai été submergé sous des flots d'encouragements de lettres, de cartes, de sms, de cadeaux, de visites. A Adèle qui m'a envoyé de force chez le médecin alors que je fermais les yeux. A Cathy pour ses pensées quotidienne. A Jacqueline D., Christian D., Isabelle C., Isabelle, Christophe S., Philippe, Jocelyne, Olivier, Katy, Murielle, Jean-François,Claire C. mes amis de formation pour leurs innombrables messages de soutien. A Mrs Grégoire, Fraipont, Scuvée, Bernard, Lorquet, Thonneau, Hardy, Lambrette, Houben, Sadien, et Mmes Dewart, Gillet, Jacquemin, Cappachi, Koeks, Jacqueline M.,  mes formateurs. A mes amis Philippe et Véronique de Ath. A Marc L. pour ses mails. A Sylvain pour sa superbe création musicale. A Georges et le Sporting au gré des matchs et de nos sms. A Martine pour nos échanges par ordinateur. A Asta qui prenait régulièrement de mes nouvelles. A Nicole, Valérie et Jérôme qui savaient comme c'était difficile. A Alain et Monique pour nos retrouvailles. A Aimée, Francine F., Anne-Marie Laou., Anne-Marie Lam., Marie-Claire pour leur attention. A Eric pour sa disponibilité. A Gabrielle pour ce qu'on a échangé au téléphone. A Marie Sl. et ses parents, Olivier, Cindy, Renaud, Anne-Cyrielle, Julie, Piepie, Valérie, Florian, Régis et tous mes étudiants sympas de ces trois dernières années. A Sandrine et Thuy Mai pour leur lettre extraordinaire. Les familles Crutzen, Gilson, Dardinne, Mme Thomas, De Roo, De Spa, Daout, Pironnet, Verstraelen, Hajaoui, Cruz, Dederichs,... les parents d'SFX2. A Marie-Cécile R. et le Vif l'Express. A Joseph Lahaye, 80 ans bien tassés, que j'étreins toujours avec un tel plaisir ainsi que son épouse. A Nath et à Phil pour qui j'ai beaucoup de pensées affectueuses. A Michèle, sa fille Justine, Rémy et toute la famille pour la balade et les bons mots. A Claire B. pour l'aide administrative et morale. A Struck, Jean-François, Jean-Michel, Bruno, Ferdinant, Bernard, Luc, Joëlle, Anja, Kristel, Christiane, ... ceux qui continuent le chemin avec mes élèves. A Alain, Maggy, Françoise, Marie-Pierre,Yvonne, Pierre, Jean-Paul, Anne  que je revois toujours avec tant de plaisir, leurs cartes, pensées, rencontres. A mes amis joggeurs dont Raymond, Luc et Pascal qui ont pris de mes nouvelles. A Etienne d'Australie. A Louis, Francine et Marie-Noëlle. A Roger L. et sa bonne humeur. A Paul et Malou ainsi que toute l'équipe de mes parents pour leur soutien au quotidien. Paul V. et ses mots profonds.  Ce que vous faites au quotidien reste extraordinaire. A Gustave pur nos discussions autour d'un bon verre sur l'avenir de nos gars. A Jean-Marc pour ses BD. A François S. Pour son bouquin et notre échange fructueux. A Marie-Pierre T. pour mon anniversaire et les deux superbes livres qui ont nourri ma réflexion. A Christine et Valérie pour les images des USA plein la tête et la tarte. A Christian J. pour ses nombreuses attentions. A Tof pour sa visite, ses sms, son bouquin. A Béa pour ses encouragements. A Marie S. pour ses visites. A Jocelyne et Jeanine pour leur écoute. A Marie-Claire  à qui je pense bien. A Isa qui m'a remplacé. A Georgine pour son mot. A Gene et Gloria pour les pensée et l'Italie. A Vincent J. et la musique de son orchestre. A Guy S. notre rencontre et le débat sur l'Europe. A Guy, Mariella, Sylvianne, Jean-Pierre pour l'attention continue et les vacances avec nos enfants. Au papa de Francis pour son regard et ses poignées de main. A Dominique et Jean-Pierre qui du fin fond de la France m'ont envoyé de nombreux mails sur leur nouveau projet, leur livre.  Françoise P. et son livre, sa carte, ses mots. A Carine pour son réel soutien. A Christine et Marc, leurs pensées. A Jean-Paul pour mes haies et Nathalie pour son doigté en tant qu'infirmière et son écoute. A Jules et Anne, mes voisins charmants. A Luc et Anne-Françoise qui accueillent ma fille dans ses rêves d'équitation. A Marie-Rose. A Joseph et Marie-Rose ma première visite et les photos. A Charles et Claudine. A Lily et Michel pour le soutien tout au long du parcours. A Pascale et Philippe, Dominique et Victor, Pascale(s), vive l'Ecole ouverte et les cartes, mails. A Eric et Pascale, merci. Jean J., Arlette, Joseph R. Benoît P. pour ses coups de téléphone. Patrick R. pour nos échanges pédagogiques et humains. Denise qui a vécu pareille épreuve. Michel L. mon témoin de mariage que je revois avec tant de plaisir et d'émotions. A la communauté des soeurs du S-O de la France .ainsi qu'à la communauté des frères de Ciney pour leurs prières. A Francis G et le Spirit of 66, Jacques S. et son concert. Merci ! A François mon ami d'enfance. A Claude. A Laurent, Jean-Sébastien, John, Paul Georges et Ringo pour leur musique ! A tous ceux que j'oublie pour l'instant mais qui sont bien présent dans mon esprit car on n'oublie pas ceux qu'on aime. Merci !

 

Haut de page

Roman